Dossier : Les Soninkés sont-ils romantiques ? Quelles peuvent-être leurs preuves d’amour ?

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Les Soninkés sont-ils romantiques ? Une question que l’on s’est posée lors de l’émission Leminaxu bera ( arbre à palabres des jeunes ) sur les ondes de la Web Radio Soninkara.com. Sans langue de bois, les Soninkés du monde entier ont abordé la question pendant deux tours d’horloge en faisant des recommandations aux jeunes soninkés. Comme le concept de l’émission le préconise, il s’agit de lever le tabou sur plusieurs thèmes touchant le monde Soninké. Chaque dimanche soir, aux environs de 21 h 30,  nous ouvrons notre antenne au monde Soninké pour décortiquer certains thèmes et éclairer les lanternes des jeunes soninkés.

En abordant ce thème sur le « romantisme à la soninké », l’idée n’était pas de faire jouer des rôles aux soninkés comme dans les feux de l’amour mais simplement de tordre le coup à certains préjugés dans la façon d’agir et de se comporter avec son conjoint (e). Ce n’est nullement une volonté de créer des Romeo et Juliette soninkés mais simplement une manière de mettre un peu de « Taxaaye » ( Feuilles de baobab en poudre à effet gluant »  dans les relations conjugales.

 

Dans le monde Soninké, un homme très proche de sa femme est souvent catalogué « d’esclave de femme ». En effet, notre éducation héritée de nos ancêtres, notre mode de vie dans nos pays d’origine et notre ancrage dans la religion musulmane imposent souvent une certaine retenue dans notre façon d’exprimer nos sentiments. Autrefois, l’enfant soninké, quel que soit le sexe, était élevé dans le culte de la pudeur. Les enfants  sont élevés avec des valeurs qui prônent la discrétion, la pudeur et le respect.  Si le romantisme est le primat du cœur sur la raison. Il convient de noter que, chez les Soninkés, le cœur, berceau de l’amour, doit s’adapter à son environnement avant de donner libre cours à ses volontés. Quand nous prenons l’exemple de nos pays d’origine, la structure de nos familles et nos occupations quotidiennes laissent peu de place à une certaine « tendresse ». Nous vivons en communauté ( Père, mère, oncles, tantes, frères, cousins…) où chaque geste est épié et commenté. Souvent, certains gestes sont très mal perçus par l’entourage et peuvent s’apparenter à un manque de respect total envers les parents, les ainés... Ainsi, l’expression des sentiments surtout dans sa « façon tactile » n’advient que dans un cadre strictement privé.

Qui ose donner des « bisous » à sa femme dans la grande cour commune de la maison où des « radars oculaires » sont partout ? C’est impensable ! On sera taxé de personne sans pudeur et sans honte !

Qui ose aller couper les oignons dans la grande cuisine familiale en compagnie de sa femme ? C’est mignon non ?  Mais, c’est impossible car les rôles sont très bien partagés. On risque d’être taxé de «  Yougou Yaxare » ( Homme efféminé ). Culturellement, ces choses ne sont pas dans nos mœurs. Donc, vous l’avez compris, les sentiments s’extériorisent chez nous d’une autre manière. Mais, cela permet-il de dire que les soninkés ne sont pas romantiques ? Nous répondrons par la négative.

En effet, dans nos pays d’origine, l’amour dans le couple revêt une autre forme. Cela se manifeste par l’abnégation à choyer la femme ou l’homme. L’homme couvre sa femme d’honneurs et de présents. Les mots doux sont remplacés par les mots de fierté. Ainsi, on vante les mérites de sa femme quand l’occasion se présente. On met en valeur ses qualités pour « chatouiller » son cœur selon les circonstances. En plus des honneurs de ce type, les hommes Soninkés rivalisent dans l’accomplissement des désirs de leurs femmes. Les femmes font autant pour contenter leurs hommes avec délicatesse.  Les hommes remplissent les garde-robes de leurs femmes et les couvrent de bijoux de toute sorte. C’est un signe d’amour et de reconnaissance pour la femme soninké. Avec l’émigration, c’est l’avènement des écrans plats, des tablettes et des ordinateurs. Tout ceci concourt à contenter la femme. C’est ainsi que dans certaines localités, les appartements privés de certaines femmes n’ont rien à envier aux suites du Novotel. Les hommes mettent toute leur énergie pour assouvir les désirs de leurs femmes. C’est une façon de montrer leur attachement à leur femme. Au retour, les femmes manifestent leur affection par d’autres manières. Comme le dit l’adage : «  Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Une des des marques d’amour dans nos pays d’origine est la façon d’appeler son mari. C’est aussi une façon de respecter son conjoint. Ainsi, des femmes appellent leurs maris par le surnom de «  Tata » ( grand-frère), «  Kawou » ( Oncle ) voire «  Alaadji ». Il y a un côté affectif dans ces mots. C’est très rare de voir une femme appeler son mari par son prénom.

Comme preuve d’amour, on peut également citer l’abnégation à s’occuper de son mari au quotidien. C’est ainsi que déposer un sceau d’eau à la salle de bain et inviter son mari à aller prendre sa douche est un signe d’affection et de respect. Faire des succulents petits plats dans l’arrière-cour de l’appartement est aussi une façon de manifester son affection à son mari, etc. Autant de petits gestes au quotidien qui montrent que la femme est très attachée à son mari. Mieux, dans certaines chaumières, certaines femmes installent un lit coquet à la véranda de leur chambre. Tous les soirs, elles sortent leurs plus beaux draps pour orner le lit. Elles s’habillent elles-même de manière coquette en alignant les mêmes couleurs que leurs maris. Le soir, au coucher du soleil, elles s’y installent avec leurs « chéris » pour discuter, rigoler ou écouter de la bonne musique. N’est-ce pas romantique tout ça ? Des moments doux et plaisants qui sont permis dans le monde Soninké. C’est ainsi que dans certains villages on trouve à la porte de chaque chambre un lit.

Dans l’immigration, les rapports homme/femme changent. Les signes ou les marques d’amour revêtent d’autres formes. Les modes de vies changent considérablement. Les contraintes de la vie en communauté ( cour commune ) n’existent plus. Les regards indiscrets disparaissent car la cour commune est remplacée par le salon d’un appartement de 3 ou 4 pièces. Toutes les conditions sont réunies pour laisser libre cours à l’imagination pour « chatouiller » les fibres du cœur de son mari ou de sa femme. Plus question de brandir la pudeur pour expliquer sa rigidité ou sa nonchalance !

Il convient là de préciser que ce thème du jour découle d’un constat d’un de nos auditeurs établi au pays de l’oncle Sam. «  J’aimerai attirer votre attention sur un comportement qui n’est pas très joli de la part de certains hommes soninkés. L’autre jour, j’ai croisé un couple soninké dans les rues de New York. L’homme marchait loin devant et la femme le suivait à quelques centaine de mètres. On dirait qu’elle n’était pas sa femme. C’est quand la femme a failli se faire renverser au passage piétons que j’ai su qu’il s’agissait de la conjointe de l’homme. Il l’engueula d’une façon nonchalante en lui faisant plusieurs remontrances. Ce type de comportement est à bannir. Nous devons être plus avenants avec nos femmes. L’affection et la douceur n’enlèvent rien à notre virilité ».  Il est de coutume de voir ce genre de comportements chez les soninkés. Il faut faire de la prévention pour que les jeunes changent de fusil d’épaule.

Les réactions de nos auditeurs sont unanimes. Les hommes et les femmes soninkés ne doivent plus nourrir de complexe. «  Nous avons reçu une éducation qui prône la pudeur et la rigueur. C’est une réalité. Il faut comprendre qu’à l’époque de nos parents et grands-parents, les relations homme/femme étaient très régulés. Les hommes ne se mélangeaient pas avec les femmes. Les hommes se rassemblaient dans les « Grand-Place » après les travaux champêtres. Les femmes s’affairaient autour de leurs occupations féminines dans les grandes cours communes. Tout homme fourré dans les pattes de sa femme essuyait des railleries. C’était une marque de faiblesse », nous confie un de nos auditeurs. Il continue : « Dans l’immigration, les réalités changent. Nous sommes beaucoup plus proches de nos femmes. Dans l’intimité d’un appartement, on peut sans gêne montrer son attachement et son affection à sa femme. C’est de bonne guerre. Nos femmes doivent être nos amies », conclut-il.

«  Les hommes et les femmes soninkés gagneront à être plus démonstratifs surtout dans l’immigration où la nostalgie consume. Il ne s’agit pas de jouer à Roméo et Juliette. Ce n’est pas notre culture même si les feux de l’amour ont conquis le cœur de plusieurs papas et mamans soninkés. La proximité et la communication doivent régner dans nos couples. Sans cela, les cœurs ne peuvent se lâcher. Ce sera la monotonie et les complaintes».

Chez les Soninkés, nul besoin de s’embrasser dans les rues de Paris, de New York pour montrer son amour à sa femme. Il s’agit plutôt de créer les conditions pour que le mari et la femme se rapprochent davantage. Donc, offrir des fleurs à sa femme ne peut être le baromètre du romantisme chez les Soninkés. Toute façon, nos cousins "Guidimakhankos" et "Hayrankos" vous demanderont certainement si les fleurs, ça se mange ? Ne pas amener sa femme au Cinéma n’exclut point un homme de la corporation des « attentionnés ». Ils diront également : « la télévision que j’ai achetée à 1000 euros, à quoi ça sert ? »

Selon nos auditeurs, c’est un ensemble de petits gestes qui permettent d’huiler la relation entre époux et faire grandir l’amour réciproque. Nous tenterons de les lister pour que les uns et les autres s’en réfèrent pour changer ou améliorer leurs comportements.

 * La communication verbale : Se saluer le matin est un minimun. C’est une recommandation religieuse également. On s’assure que son prochain se porte bien. Quand on sort de chez soi, il est plus respectueux et agréable d’informer son mari ou sa femme de sa sortie et de ses fréquentations. Cela permet d’établir une relation de confiance et de montrer sa considération. Il en est de même quand on rentre chez soi, nul besoin de faire une tête d’enterrement ou de « faire la gueule ». Cela crée une mauvaise ambiance. Ainsi, une distance se crée. On gagnera mieux à entrer avec une attitude souriante afin de mettre à l’aise sa femme ou son mari qui sera plus prompt à nous accueillir de la plus belle des manières. C’est très important.

* Quand on sort de chez soi pour le travail ou une autre occupation, il est très appréciable de prendre des nouvelles de sa femme ou de son mari par un appel téléphonique ou par un sms. C’est une très bonne démarche surtout si c’est une femme au foyer. Au travail, à la pause, donner un petit coup de fil permet de rassurer la femme et de lui montrer que l’on pense à elle. Cela crée le rapprochement. Si nous prenons l’exemple des femmes qui viennent du pays. Les premières années en immigration sont difficiles. Les proches parents vivent souvent très loin. Avant qu’elles ne s’adaptent à leur nouvelle vie, elles s’ennuient beaucoup. La nature ayant horreur du vide, elles peuvent tomber dans certaines erreurs en voulant sortir de leur monotonie. Elles cherchent des amies, des copines… Ces dernières peuvent être à l’avenir source de problèmes par jalousie ou par vice. Les mauvaises influences découlent des mauvaises fréquentations. De plus, si le mari n’est pas très proche de sa femme, cette dernière risque d’aller « noyer son chagrin » en s’ouvrant à un autre homme ( amis d’enfance, cousins, voisins d’Afrique…). Ainsi, elle trouvera en lui un confident, un ami, toujours prêt à l’écouter et à l’aider. Le mari devient le cadet des soucis. L’être humain s’attachant trop vide, le reste se passe de commentaires. Quand un homme et une femme sont en aparté, Satan est la troisième personne, dit-on.

Il en est de même pour les filles nées en France. Souvent, les délires ne sont pas les mêmes comme elles aiment le dire. On passe plus de temps avec les copines qu’avec le mari. Le foyer conjugal devient une prison à ciel ouvert. Les problèmes surgissent et prennent de l’ampleur. Par manque de communication, le couple va tout droit au mur. L’homme doit trouver les voies et moyens pour créer la proximité. On ne maitrise pas une femme par une somme d’interdictions. C’est par une écoute active et la communication qu’on arrivera à la comprendre et à créer l’attachement.

* L’autre paramètre est une somme de petites attentions. Les femmes aiment les cadeaux quelle que soit la valeur. Nos auditeurs demandent aux hommes d’être généreux avec leurs femmes. De temps en temps, offrir un petit cadeau comme le faisaient nos parents est de bonne guerre. Un « bijou », un « sac », un nouveau téléphone sont autant de petits cadeaux qui peuvent raffermir les liens et contenter une femme. Pas besoin de LV ou de Dior ! Il ne s’agit pas de se ruiner. C’est le geste qui compte. Si le temps le permet, sortir avec sa femme pour aller faire des courses ou se balader est une très bonne démarche. Cela a un double avantage : profiter de la vie, montrer aux autres hommes et femmes que telle femme ou tel homme  est une propriété privée. Cela marque les esprits. Nul besoin de faire bras dessus, bras dessous ! Il suffit de changer d’atmosphère et de cadre pour s’évader. Ceci est d’autant plus nécessaire quand le couple a des enfants.

* Dans ce lot de bons procédés, on peut également incorporer l’entraide dans le couple. Cela permet de raffermir les liens. Il ne s’agit pas d’échanger les rôles mais simplement de montrer sa disponibilité à l’autre. A titre d’exemple, nos auditeurs recommandent aux hommes de se rapprocher de leurs femmes pendant qu’elles cuisinent. Cela permet de transformer cette corvée en un moment de plaisir et d'échange. Si on est bon cuisinier, on peut faire des surprises en déchargeant la femme de cette tâche de temps à autre. Quelle femme n’aimerait pas avoir la surprise de rentrer chez elle et de trouver un bon repas cuisiné par son mari ? Cela fait plaisir ! Simplement, la femme doit éviter de tomber dans certains écueils en voulant à tout prix réduire l’homme au statut de coépouse. C’est une erreur ! Il en est de même pour la vaisselle, le ménage. Le maitre mot dans le couple c’est l’entraide.

* Le cousinage à plainsanterie est également un bon moyen pour rapprocher les coeurs. Selon les noms de famille, les contrées d'origine, on peut dédramatiser les tensions en jouant sur ce bon procédé soninké. Bathily/Soumaré, Cissokho/Dramé ou Koïta/Nianghané sont des cousins à plainsanterie par exemple. Il est en de même entre un Guidimakhanké/Gajaganké, Hayranké/Guidimakhanké, Hayranké/Gajaanké... On peut toujours jouer sur cette corde pour surmonter les problèmes.

* En dernier lieu, nos auditeurs demandent aux hommes de se départir d’une certaine pudeur chez eux. Quand on est avec sa femme, tout est permis. On a droit de rigoler, de se chambrer et de s’arroser de coquinerie.

Aux femmes, nos auditeurs conseillent d’être respectueuses envers leurs maris afin de les adoucir. Rien ne sert de jouer les « dames de fer ». Un mari n’est pas un concurrent ni un égal. Un homme qui vous prend comme épouse par amour est un homme à valoriser. Il a dépassé plusieurs maisons, plusieurs filles avant de vous choisir. Quel honneur ! A côté, des filles de votre tranche d’âge pleurent en silence, se lamentent sur leur sort parce que le prince charmant tarde à toquer à leur porte. 

Prenez soin de votre mari pour donner un sens à votre couple. Appelez-le comme vous le voulez «  Chéri », «  Bébé », «  piment », « Chou » ! C’est votre propriété privée. Si vous le prenez pour un simple « géniteur », vous risquez tôt ou tard de voir débouler une coépouse! Et là, vous serez obligée de faire le double des efforts qu’il aura fallu faire pour être heureuse. Faites de vos maris vos meilleurs amis, vos confidents ! Ils sont là pour vous, vous êtes là pour eux ! Profitez de chaque instant comme si c’était le dernier !

Maintenant, libre à chacun de poser à sa femme ou à son mari la question suivante : Quelle est la dernière preuve d’amour qu’il ou elle vous a fait ?

Touche d'humour ! Un ami chambreur m’a répondu ainsi : « Va traire les vaches de ton grand-père, «  Yagoudoulokhé » ( sans vergogne ), c’est quoi ces conneries là. Une femme c’est comme un bélier, quand tu le gâtes, tu seras le premier à goûter à ses coups de corne ? ». Bon, vous l’avez compris, il y a des hommes que l’on ne pourra jamais adoucir. Ne forcez pas donc à vouloir à tout prix avoir des preuves d’amour de leur part !

Samba Fodé KOITA dit Makalou, Soninkara.com