BAKEL: Les misères d’un patelin oublié

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Fondé entre le 11e et le 13e siècles, les malinkés furent les premiers habitants de cette contrée, soutient un septuagénaire, considéré comme la mémoire de cette contrée avant d’ajouter : «d’après la tradition orale, les Ndiaye, originaires de l’ancien empire du Djoloff, constituaient la famille royale de la cité. D’ailleurs, les Ndiaye sont toujours chefs de village à Moudéry dans l’arrondissement de Diawara. Le département de Bakel s’étend sur 22 378 Km2, soit une superficie à peu prés égale à celle des régions de Dakar, Thiès, Diourbel, Ziguinchor et Fatick réunies. Il abrite une population de 215 680 habitants. Une population, solidaire, liée par un passé prestigieux et une culture commune garantie d’une intégration certaine. Il a une population jeune et dynamique, capable des plus grands dépassements pour le développement de son terroir. Sa jeunesse expatriée, est le principal producteur d’un des plus grands flux de devises, dont bénéficie notre pays.

Une ville montagneuse où on a du mal à creuser un puits


En outre, Bakel est une ville montagneuse où on a du mal à creuser un puits. Les premiers habitants se sont alors concentrés de manières un peu anarchique, le long du fleuve pour ne pas être loin de ce dernier.

Un potentiel économique énorme non exploite

A l’instar de la toute nouvelle région de Kédougou, le département de Bakel a un potentiel économique énorme : le fleuve Sénégal et sa vallée, les multiples marres et marigots facilement aménageables en point d’eau pérennes, les terres cotonnières du Boundou, les mines de fer de la Falémé, le marbre et le chromite de Gabou, un paysage varié, qui offre bien des attraits touristiques. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que ce département est devenu une terre d’émigration pour les Baol-baol et Cadior-cadior, que les populations ont le plaisir et le bonheur d’accueillir par milliers parmi elles.

Il est au carrefour de trois pays, donc une zone de grande circulation des biens et des personnes nécessitant des structures administratives fortes, pourvues d’une certain autorité décisionnel. D’autant que le Chef lieu de région voisine à la Mauritanie, se situe à 45 Kms et celui de la région du Mali, à 85 Kms. En outre, cette position géographique fait de lui un véritable creuset d’intégration sous-régionale, et le miroir du Sénégal pour ses voisins. Bakel fait partie des trois villes du bassin du Sénégal, jumelées dans le cadre de l’OMVS. Toutes les deux autres parties sont des chefs-lieux de région (Kayes pour le Mali et Kaédi pour la Mauritanie).

Fort de Rene Caille : un patrimoine historique en dégénérescence


Murs délabrés, portes et fenêtres enlevées permettant au soleil de darder ses rayons sur un sol jonché d’ordures, le pavillon «René Caillé» niché sur les auteurs de la ville de Bakel, est assurément dans un état de décrépitude avancée, et demande à être réhabilité. A part les entretiens périodiques effectués par l’armée, les sites ne bénéficient pas d’attention particulière de la part des autorités. Seul l’ancien Fort de Faidherbe, qui abrite aujourd’hui la préfecture, présente un visage accueillant, mais son sort inquiète. Selon un notable, le Fort qui a servi de cadre à une des plus belles pages de la résistance nationale face au colonisateur (Ndlr : le marabout Mamadou Lamine Dramé en fit le siége en 1886), risque tout simplement de s’écrouler si rien n’est fait. Ce serait vraiment dommage car, c’est l’un des plus beaux sites historiques du pays. Toutefois, pour que la ville ne perde pas ses «joyaux architecturaux», un instituteur s’est donné comme mission, de «tout faire» pour sauver les sites. A toutes les autorités qui passent à Bakel, il a lancé le même SOS : «il faut nous aider à entretenir notre patrimoine. Sans se lasser, il a mené sa croisade, certain qu’au-delà du symbole qu’ils représentent, «les sites peuvent beaucoup rapporter à la commune dans le cadre d’une politique touristique». En collaboration avec l’amicale des moniteurs de collectivités éducatives, la mairie avait pris quelques initiatives, en transformant notamment le pavillon René Caillé en un centre de lecture et d’animation culturelle. Faute de lecteurs, l’expérience a tourné court, et la bibliothèque a fermé ses portes, raconte un conseiller municipal.


Autre curiosité historique de Bakel en souffrance, les tours de contrôle situés au sud de la ville attendent d’être reluquées. Dans le passé, c’est de là que qu’on surveillait les évolutions de l’étranger qui s’approchait de Bakel, une ville frontalière de la Mauritanie et du Mali. «Aujourd’hui, en remplacement des milices de surveillance, ce sont des…singes qui escaladent les tours, pour aller s’abreuver au fleuve tout proche», racontent de vieux Bakélois. Non loin de là, se trouve le cimetière où reposent d’anciens officiers Français. Propre et bien entretenu, il est l’exception qui confirme cette triste règle : le patrimoine historique de Bakel est en train de tomber en désuétude.

 

Indifférence et/ou incapacité des autorités


Au lendemain de l’alternance, les populations de Bakel nourrissaient beaucoup d’espoir par rapport à l’installation des nouvelles autorités qui avaient annoncé en grande pompe par le biais de Me Wade, à l’occasion de sa campagne présidentielle, le soulagement définitif de ces affres de l’enclavement. Que nenni. Selon le libéral Moussa Sakho, «nous avons récupéré toutes les localités, et retiré le département des griffes de l’opposition lors des élections présidentielles, législatives, sénatoriales et locales du 22 mars dernier. Et de poursuivre, «en contrepartie, nous avons demandé au Chef de l’Etat, de penser à notre terroir qui souffre énormément de plusieurs maux qui ont pour noms : manque d’infrastructures routières, sanitaires, sportives et scolaires entre autres». Mieux encore soutient-il, «il n’y a pas de salles de spectacle pour les jeunes, et les braves femmes sont laissées en rade, elles ne bénéficient d’aucuns crédits à l’instar des autres femmes du pays». Dans tous les cas, les autorités font la sourde oreille car, aucune action n'a été menée dans cette localité. Les rues de Bakel sont étroites, dégradées et sales. Les populations sont laissées à elles-mêmes. Leur calvaire est loin d'être terminé.

 

Cheikh Cissokho «au banc des accusés»


A partir d’un échantillon d’habitants rencontrés dans les rues de Bakel, on a l’impression que l’ancien président de l’assemblée nationale sous le règne de Diouf, natif de cette localité, est à l’origine de cette misère des populations. «C’est Cheikh Cissokho, qui nous causé tout ce préjudice», fulminent-ils. Et de s’interroger : «Comment Cheikh Cissokho peut devenir deuxième personnalité de l’Etat pendant des décennies, sans aucune réalisation dans son terroir» ? Choses inimaginables pour certains d’entre eux.

 

Un comité mis sur pied pour sonner l’alerte


Devant les promesses non tenues et le refus des autorités de prendre en compte les besoins réels des populations, un comité pour la défense des intérêts des populations a été mis sur pied. Le comité était monté au créneau, il y'a quelques mois, pour sonner l’alerte à travers une randonnée pédestre. Munis de pancartes, hommes, femmes, jeunes et vieux sans distinctions d’aucune sorte, tous dans un même élan d’union et de solidarité, avaient investi les rues de Bakel. A l’origine de ce courroux, les manifestants qui n’ont pas caché leur colère, exigeaient l’érection de leur localité en région. «Bakel est oublié par les pouvoirs publics. Nous n’allons pas l’accepter», avait martelé le porte parole des marcheurs. Il trouve injuste qu’aucune réaction n’ait été faite. Pour M Diakité, pas question de reculer; et le prochain plan d’action qui sera axé sur un point qui ne dit pas son nom, risque de faire mal. Déjà au niveau de Bakel, la situation est regrettable, du fait que ce dernier est amputé des arrondissements de Goudiry et de Balla. En attendant, la toute nouvelle équipe municipale dirigée par Dr Aminata Diallo aura du pain sur la planche.


Pape Ousseynou DIALLO

Sambou BIAGUI