BABA TANDIAN «Je rends seulement au Basket ce qu’il m’a donné»

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De forte corpulence, le verbe haut, Baba Tandian passe pour avoir le caractère pas méchant mais bien trempé. Un caractère qu’il s’est certainement forgé sur les parquets de France et de Navarre avec un seul objectif en tête, monter «son» imprimerie. Parcours en «First Class» d’un homme peu ordinaire.

Qui est Baba Tandian ? Nous savons que vous vous êtes fait tout seul mais quel est votre itinéraire ?

Je suis né en 1951 dans le Fouta et suis Soninké. La famille a quitté le Fouta quand j’étais très jeune pour s’établir en partie, celle du général Tandian à Bakel et l’autre, celle de mon père à Dakar où il a acheté une parcelle à Usine Bène Tally, juste au commencement de Ouagou Niayes. C’était l’une des premières habitations et nous avions comme voisin le célèbre photographe Salla Kassé. Je me souviens encore avec nostalgie de mon émerveillement de découvrir l’électricité et j’ai failli esquinter l’interrupteur avec mon incessant «khouye khamathie». J’ai fait ma scolarité primaire à l’école de la Médina et le secondaire à Saint Pierre. Mon enfance n’a pas été facile car j’ai perdu ma mère quand j’avais quatre ans et j’ai souvent été victime d’injustices de la part de mes belles mères. Il m’est arrivé à plusieurs reprises, après m’être tapé les deux heures de marche pour revenir de l’école de déjeuner d’un morceau de pain et d’un peu d’arachide mais tout cela m’a formé. Le tournant a été lorsque pour une raison qui, jusqu’à présent m’échappe encore, mon père m’a jeté à la rue. Après avoir un peu végété, comme je jouais au basket, j’ai alors décidé de rallier la France. La grande chance de l’époque c’est que les sénégalais n’avaient pas besoin de visa délivré par l’Ambassade, c’est la police sénégalaise qui vous donnait l’autorisation de partir ou pas. C’est comme cela que je me suis retrouvé à Clermont-Ferrand, club de 3é division où j’ai perçu mon premier salaire de 2.400 FF (240.000 CFA). J’ai pris les 200 FF et j’ai envoyé le reste à mon père avec lequel je m’étais pourtant brouillé. Puis, je suis passé à Toulouse où j’ai retrouvé Adidas 2, Pierre Sagna et autres Babacar Diouf Guèye et Yaya Cissokho de même que des compatriotes comme Aminata Niane de l’Apix et Modou Khaya de l’AIBD. C’est là que j’ai vraiment éclaté et c’est là aussi qu’est né le terme de SENEF utilisé la première fois pour un match de gala à Agen entre nous et des américains. La réussite avait été telle que nous avons décidé de mener l’expérience ici même au Sénégal en organisant un gala qui a marché très fort. Mon dernier club était Cabourg, l’ancien club de Appollo Faye et j’avais un contrat jusqu’en 1987 mais le destin en avait décidé autrement…
 
Mon obsession : l’imprimerie,
C’est-à-dire…

En 1985, je suis venu au Sénégal pour la première fois en douze ans, au moment des fêtes de fin d’année correspondant à la trêve en France. Je devais rentrer en France le 29 Décembre mais j’ai décidé de prolonger jusqu’au 2 Janvier. Mon père avec lequel j’étais réconcilié est tombé malade le 1e Janvier et dès lors je ne pouvais plus partir. Il est mort le 4 Janvier et j’ai eu la chance non seulement d’avoir été son dernier interlocuteur mais de le porter à sa dernière demeure. Lorsque je suis rentré en France mes dirigeants qui ne comprenaient pas mon retard et mon attitude ,ils ont commencé à me mettre des bâtons dans les roues et cela a abouti au clash. Mais ma grande chance, c’était que j’avais décidé de monter mon imprimerie dès mon arrivée en France. Et à part la première année au cours de laquelle je me suis amusé, toutes mes ressources étaient orientées vers cela. J’économisais tellement que ma femme me reprochait de ne pas acheter de nouvelles chaussures et mon manteau a duré 9 ans. Tout ce que je gagnais, je l’investissais dans du matériel d’imprimerie que j’envoyais à Dakar où j’avais la chance de pouvoir l’entreposer dans les magasins de mon père, lui aussi imprimeur. De plus, à part un club, Hyères, où j’ai joué à temps plein, j’exigeais de mes employeurs de coupler mon activité de basketteur avec des stages en imprimerie. De sorte que j’ai appris à maîtriser l’imprimerie de A à Z. Alors quand les difficultés se sont présentées pour moi en France, j’étais presque prêt et c’est ainsi que je suis rentré en 1987. Et avec l’aide de certaines personnes comme Chérif Séne de AGS, je me suis lancé. C’est ainsi que j’ai monté «l’imprimerie Tandian» imitant en cela mon ancien patron de «l’imprimerie Pacrot». Un autre grand monsieur du nom de Camara Doumbaly de «Assur banque» m’a poussé à investir en se portant même garant pour moi qui avais peur des dettes et c’est ainsi qu’avec un prêt de 25 millions CFA, j’ai investi et il avait raison car non seulement j’ai remboursé mais je me suis retrouvé avec un gap de 30 millions, ce qui m’a rendu plus audacieux. Ensuite, en 1997, j’ai acquis une rotative, les seules existantes, à l’époque, étant celles du groupe Hersant des Nouvelles Imprimeries du Sénégal qui leur permettait de faire la pluie et le beau temps et même de ne pas tirer les journaux de l’opposant Wade ; ce que moi, j’avais fait déjà en 1987-1988 malgré les menaces d’un certain Jean Collin. Mais bon, peu importe. Notre installation ici date de cette rotative puisque c’est à ce moment-là, en 1997, que l’Etat nous a attribué ce terrain. A l’époque, je tirais Walfadjri, le Témoin et le Cafard. Mais Walf est parti et je me suis retrouvé avec deux journaux seulement à tirer, la rotative et 100 tonnes de papier. Alors, je me suis dit qu’il serait peut-être rentable de créer un journal et c’est comme cela que le Matin est né. Le Matin, je le souligne, a été le passage obligé de nombreux journalistes sénégalais et pas des moindres. Côté imprimerie, je viens d’investir 1,5 milliard CFA et j’ai des challenges intéressants comme celui de produire des livres.

Vous êtes réputé pour votre franc-parler qui vous a valu quelques problèmes avec la Première Dame de la Mauritanie. De même que certains antagonismes dans le milieu du Basket. Vous le revendiquez toujours ?

Absolument. Vous savez, moi, peut-être à cause de mon éducation, j’ai toujours eu horreur du mensonge et de l’injustice. Dans l’affaire de la Mauritanie, j’ai même été condamné alors que tout ce que j’avais dit était vrai. La Mauritanie est un pays que je connais à fond. Mon père y est né, ma mère y a été enterrée. J’ai une grande partie de ma famille là-bas et même une épouse depuis 5 ans. C’est un pays dans lequel j’ai mes entrées et j’ai eu des relations privilégiées avec les Présidents Taya, Vall, Aziz et Sidy pour la campagne duquel j’ai investi quelques 50 millions. Tout ce que j’ai dit, c’était dans l’intérêt de Sidy qui était en train de se mettre à dos les militaires à cause de sa femme. Rien de plus. Pour ce qui concerne le basket, ce sont les opposants à l’ancien président Alioune Badara Diagne qui sont venus me chercher et nous l’avons combattu car il menait le basket à la dérive avec des gens incompétents aux commandes. C’est moi qui étais pressenti pour le poste de Président, Gaye devant être Vice Président mais l’image de frondeur, de «tête brulée» qu’on m’avait collée était encore fraîche dans les têtes c’est pourquoi je me suis retrouvé, au final, au comité directeur. Mais peu importe, je ne suis plus demandeur de quoique ce soit dans le basket. Mais je demeure convaincu que pour pouvoir faire quelque chose pour ce sport, il faut avoir des ressources, des réseaux sans lesquels on ne peut rien faire. Mon unique ambition aujourd’hui est de continuer à aider ce sport qui m’a tout donné. J’ai investi 11 millions l’année dernière dans cette discipline. Je vais donner 10 millions CFA aux lionnes pour les encourager. Tout ce que je pourrai faire pour le basket, je le ferai mais encore une fois, je ne suis demandeur de rien.

On vous voit souvent donner. Vous êtes un véritable mécène ?

Oui mais il y a mécénat et mécénat. Il y a ce que j’appelle le mécénat «mondain» qui consiste dans les soirées à acheter des tableaux et à les offrir et il y a une autre forme de mécénat, le mécénat utile qui, pour moi, est le plus important et que je pratique, par exemple, en direction de la Pouponnière de la Médina avec l’Ambassadeur de France ou plus récemment à la pouponnière de Mbour à laquelle nous avons offert une voiture de 6 millions et un groupe électrogène de 3 millions car pour des problèmes de distance et faute de moyen de locomotion, des bébés perdaient la vie lorsqu’ils tombaient malades la nuit. Pour moi c’est cela le véritable mécénat. Au basket, je ne fais que rendre ce que j’ai reçu.

Le mot de la fin

J’ai eu un véritable dégoût par rapport aux accusations dont j’ai fait l’objet de la part d’un confrère, le «quotidien» pour ne pas le citer et je dis haut et fort que non seulement je n’ai de leçon à recevoir de personne en la matière mais j’avertis charitablement les forces tapies dans l’ombre que je ne me laisserai pas faire et que ce sera désormais œil pour œil, dent pour dent.


Source : Rewmi.com