Atteinte à la liberté d’expression

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Le juge et le préfet de Yélimané s’opposent à un arrêté ministériel - Après seulement quatre heures d’émission, la radio “Jemu” de Yanguiné dans la Commune urbaine de Toya a reçu des intimidations de la part du maire de cette ville, Abari Touré, du juge de Yélimané Bamassa Sissoko et du préfet Amadoun Bari. Ceux-ci n’ont pas hésité à mettre leur menace à exécution, en procédant à la fermeture pure et simple de la radio et à l’arrestation de ses trois principaux responsables. Qui n’a pas intérêt à ce que les populations de Yanguiné et du cercle de Yélimané par extension soient bien informées ? Nous avons tenté d’en savoir plus auprès des populations de Yanguiné et de Yélimané, du préfet et du juge de Yélimané. Notre enquête.

Hier, aux environs de midi, Yanguiné, le chef lieu de la Commune rurale de Toya dans le cercle de Yélimané est entré en ébullition.

Le préfet et le juge de Yélimané venaient de s’opposer à la mise en œuvre d’un arrêté interministériel - de l’Administration

Territoriale, de la Communication et de la Sécurité intérieure – qui a donné l’autorisation d’émettre à une radio libre, la radio « Jemu » (paix, entente ou bonheur en langue Soninké).

Toya est la seule Commune urbaine du cercle de Yélimané. Alors qu’elle a obtenu la fréquence depuis le 9 décembre 2006, l’association « Jemu » a adressé une correspondance en date du 29 novembre 2007 aux différentes autorités politiques, administratives et militaires, pour leur annoncer le démarrage de ses émissions radiophoniques à Yanguiné.

Pour cause de conflit villageois, le maire Abari Touré avait saisi le préfet Amadoun Bari et le juge Bamassa Sissoko pour demander un sursis à l’ouverture de la radio qui a été à cet effet plusieurs fois reportée. Le maire dans ses correspondances demandait d’attendre une mission de conciliation en France, comme ces localités sont en étroites liaisons avec leurs compatriotes vivant dans l’Hexagone.

Mais tout cela relèverait du dilatoire quand on sait que les allusions à la vie associative entre résidents en France et populations locales n’ont aucun lien indispensable avec l’exercice de la libre expression qui est un droit inaliénable et imprescriptible.

S’opposer de quelque forme que ce soit à l’exercice de la liberté d’expression est incontestablement une atteinte grave aux droits de l’homme.

Les responsables de cette radio qui sont, Tambo Soukhouna (Conseiller municipal et ancien maire de Toya), Simballa Touré (Conseiller municipal) et Lassana Diawara (président de l’Association Jemu), disposent de tous les documents légaux nécessaires pour la mise en onde des émissions radiophoniques. Ils ont enfin décidé d’émettre à partir de ce 6 novembre.
 
Face à l’intimidation orchestrée par le préfet et la gendarmerie qui ont exigé la fermeture de la radio ils ont opposé un refus.

Les émissions de la radio avaient effectivement démarré à 8 heures, quand le juge s’en est mêlé. Les trois personnes citées ont été gardées au niveau de la gendarmerie jusqu’au moment où nous mettons sous presse (22 h). Et la seule raison apparente est le fait d’avoir mis en exécution un arrêté interministériel d’émettre. Nous avons essayé en vain d’entrer en contact téléphonique avec le juge de Yélimané Bamassa Sissoko qui n’a pas daigné décrocher son téléphone malgré les messages laissés sur son répondeur par nos soins.

Quand au préfet, Amadoun Bari que nous avons pu joindre, il a confirmé s’être rendu ce jour (6 décembre) à Yanguiné et « il y avait une tension due à l’ouverture d’une instruction judiciaire. A quel sujet ? Je ne peux pas le dire et je n’en sais pas plus, j’étais en mission et j’ai constaté une agitation en ville »

En procédant ainsi, par des convocations et en mettant en arrestation des citoyens dont le seul crime est d’avoir exercé leur droit à la libre expression, le juge de Yélimané aidé en cela par le préfet refont parler d’eux : ils s’opposent à l’arrêté interministériel.

Selon des informations recueillies par nos soins à Yélimané, cet acharnement sur la radio Jemu a plutôt une motivation politique quand on sait que les personnes arrêtées à savoir Tambo Soukhouna, Simballa Touré et Lassana Diawara sont tous du Parena, un parti de l’opposition présidé par Tiebilé Dramé, l’actuel président du Front pour la Démocratie et la République (FDR).

Dans la Commune de Toya, lors des élections dernières, le Parena seul obtenait 5 conseillers municipaux pendant que tous les autres, Adema, Rpm, Urd avaient un total de 6 conseillers. Le conseiller singleton de l’Urd devient cependant maire de Toya parce que tous les autres se sont mis ensemble contre le parti du bélier blanc pour lui rafler la mairie.

Selon nos informations, le représentant de l’Urd à Yélimané, le député Mamadou Hawa Gassama, serait à la base d’un tel dérapage en faisant pression sur le juge et le préfet. Sinon comment comprendre qu’un juge et un préfet s’opposent à un arrêté ministériel, s’ils ne sont pas encouragés à le faire ? Selon certaines sources, le député Mamadou Hawa Gassama aurait affirmé qu’il est à l’origine de cette affaire. Il aurait appelé les conseillers Parena, notamment ceux aujourd’hui interpellés de rejoindre l’Urd s’ils veulent être tranquilles car, aurait-il soutenu, le Parena a de la force à Yanguiné, mais faible à Bamako. Ils n’auraient pas la paix s’ils ne rejoignent pas l’Urd, aurait-il signifié aux élus Parena. A l’heure actuelle, nos efforts ne nous ont pas permis d’entrer en contact avec Mamadou Hawa Gassama pour recueillir son point de vue.

De toute évidence, le ministre de la Sécurité Intérieure, Sadio Gassama, qui est originaire de cette localité est au courant de cette affaire, mais fuit certainement le problème. Il aurait pourtant été approché par les membres de l’association Jemu. Le ministre ferme-t-il les yeux sur une rébellion à l’arrêté interministériel ?   

B. Daou

Le Républicain du 6 décembre 2007

Source : Le Mali.fr