Almamy KANOUTE, une victime qui risque 1 an de prison pour son militantisme

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« Je n’ai agressé personne, dès que j’ai été bousculé, j’ai levé les bras », répond Almamy Kanouté aux accusations d’un policier. Selon les forces de l’ordre, le militant de la Brigade Anti-Négrophobie aurait poussé et fait tomber un fonctionnaire de police. Une mauvaise chute sans doute puisque le pandore obtient quatre jours d’incapacité totale de travail (ITT). L’affaire sera tranchée au tribunal correctionnel, le 5 juillet prochain.

ZE STORY Les faits remontent au 10 mai dernier. Pour la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le président de la République réunissait au jardin du Luxembourg tout le gratin noir de France. Louis-Georges Tin, le président du CRAN, Christiane Taubira, ministre de la Justice, Victorin Lurel, ministre des Outre-Mer… Quelques écoliers invités pour faire la claque regardent impressionnés le défilé de VIP. L’exposition inaugurée par François Hollande à cette occasion est dédiée au poète antillais Aimé Césaire et chacun y va de sa petite citation. Ambiance Garden Party, un peu de couleur en plus.

Visite présidentielle oblige, à l’entrée un cordon de policiers barre l’accès. T-shirt noir floqué aux couleurs de la Brigade anti-négrophobie, Franco Lollia s’approche du check point. Quelques mètres derrière, Joël Ardes, autre militant, attend patiemment son tour. Franco tend son invitation. Le document est standardisé, aucun nom n’apparaît dessus « mais il m’a été adressé personnellement, j’ai même gardé l’enveloppe ! » précise-t-il. Sauf qu’à l’entrée on lui signifie qu’il ne va pas pouvoir passer. «Comme s’ils n’arrivaient pas à imaginer qu’on puisse être vraiment invités. » Les blousons en cuir des militant ne semblent pas trop du goût des policiers, peu habitués à voir ce genre de tenues sous les ors de la république.



BOUSCULADE Almamy Kanouté rejoint ses deux compagnons : «on n’avait pas prévu d’action particulière, donc on n’était pas arrivés ensemble» explique le conseiller municipal de Fresnes, par ailleurs porte-parole du mouvement Emergence. Il tente à son tour d’entrer. Ni blouson, ni t-shirt apparent aux couleurs de la Brigade. Un simple manteau noir et sa belle barbe. Pourtant lui non-plus n’est pas autorisé à entrer. De l’autre côté, Franco et Joël retentent une entrée. Cette fois-ci le ton monte. Pour se justifier, un policier explique que finalement ils doivent « faire quelques vérifications ».

«Là, ça a commencé à chauffer. Je me suis interposé pour calmer le jeu» raconte Almamy Kanouté. « Je demande aux policiers d’arrêter de me pousser » mais la tension monte à nouveau d’un cran. « Ne me touchez pas ! » répète « Mam » énervé. Du côté des forces de l’ordre, on hurle « on l’encercle, on l’encercle ! » Huit ou neuf policiers tentent de plaquer Franco et Joël au sol. Un peu plus loin un autre groupe de CRS réserve le même sort à Almamy Kanouté. « Il y a eu un mouvement de foule, mais j’ai tout de suite levé les bras. J’ai pris un coup de matraque sur la jambe droite. Je ne suis pas tombé tout de suite. Mais ils ont fini par me plaquer au sol », raconte l’élu.








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VIDEO « On l’encercle, on l’encercle ! »

G.A.V Les trois militants sont embarqués. Arrivé au commissariat du 5e on leur signifie leur placement en garde à vue (GAV). « On a fait 24 heures pleines, ce qui est totalement injustifié et inhabituel pour ce type d’arrestation ». Selon Franco, les policiers eux-mêmes « ne comprenaient pas pourquoi on n’avait pas pu passer, mais ils [leur] ont fait comprendre que les ordres venaient de plus haut ».

Du côté du ministère des Outre-Mer on affirme « qu’aucune consigne n’a été donnée pour interdire une quelconque association. Après s’il y a trouble à l’ordre public, c’est laissé à l’appréciation des forces de l’ordre. » Pendant cette première GAV, seul Almamy Kanouté est assisté de son avocat, maître Maati. Pour ce dernier, l’affaire serait plus une question de dégaine. «Pendant l’interrogatoire, l’un des policiers, s’adressant à mon client lui a dit “vous savez en France, c’est malheureux, mais on est jugé sur son apparence, surtout après les attentats de Boston”», témoigne l’avocat. En cause la barbe de son client. Celle d’un terroriste, forcément !







Vous savez en France, c’est malheureux, mais on est jugé sur son apparence

PROCÈS Lundi 13 mai, Franco, Joel et Almamy sont à nouveau convoqués au commissariat du cinquième. Bis-repetita, nouvelle garde-à-vue, de sept heures cette fois-ci. « Ils nous ont posé les mêmes questions, on a raconté la même histoire » commente Franco. Au cours de ce second interrogatoire, les policiers évoquent plusieurs enregistrements vidéo. «Tous filmés de très loin» précise maître Maati.

Joel Ardes et Franco Lollia apprennent qu’ils sont convoqués devant le substitut du procureur le 28 mai prochain. « Ils vont avoir droit à un rappel à la loi, en gros on va leur dire “c’est mal ce que vous avez fait, il ne faut pas recommencer” », explique maître Bourdon, l’avocat de Joel et Franco. Almamy Kanoute est, quant à lui, convoqué devant la 28e chambre du Tribunal de grande instance de Paris. Il lui est reproché d’avoir résisté avec violence à son arrestation et d’avoir bousculé un policier, entraînant sa chute. Ce dernier s’est vu signifier quatre jours d’ITT.

Du côté de la préfecture de police, on réserve les détails des preuves pour l’audience. Le service presse lit les quelques lignes « qu’il y a sur la fiche » : « Vendredi en fin de matinée, un petit groupe portant des t-shirts B.A.N a tenté de passer en force. Deux personnes sur les trois n’avaient pas d’invitation. » Pour maître Baati, « ils tentent de justifier l’injustifiable ». Son client risque un an de prison et une amende. « Il n’aura sans doute pas de prison ferme, mais l’idée dans ce procès c’est de plaider la relaxe ». Almamy Kanoute annonce par ailleurs qu’il souhaite porter plainte, « dans un premier temps contre le ministère de l’Intérieur ».