Affaire Aladji Konaté: un collectif d'associations envoie une lettre au président de la république

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Paris le 31 mai 2011
Collectif des citoyens du Département de Bakel « Pour la Transparence, la Justice, et la fin des Intimidations » : « LE COTRAJUSFI »
S/C de l’Association des Ressortissants de Bakel en France  (ARBF), 75 013 Paris
 
A Monsieur le Président de la République du Sénégal, Dakar

Monsieur le Président,
Nous soussignés, associations et citoyens du département de Bakel regroupés en « Collectif pour la Transparence, la Justice et la Fin des Intimidations »  (COTRAJUSFI) avons l’honneur de vous adresser la présente requête afin d’y apporter des réponses urgentes au vu de la gravité de la situation qui prévaut à Bakel.

En effet, le 29 mars 2011, le corps sans vie, menotté et en décomposition avancée de Aladji Konaté un natif de Bakel, fils de Sadio Konaté et de Maïmouna Séméga, a été découvert complètement nu à Goundéyini par un pêcheur.

L’homme qui a fait la découverte macabre a immédiatement alerté la radio communautaire dont les agents lui ont recommandé de prendre contact avec le régisseur. Celui-ci l’accompagna à la gendarmerie où il fut soumis à un interrogatoire se résumant aux questions et réponses suivantes :
Le gendarme - Est-ce un homme que tu as repêché dans le fleuve ?
Le pêcheur    - Oui !
Le gendarme - Cet homme était-il tressé ?
Le pêcheur    - Oui !

-Sunu wa dji la (c’est notre homme), dit l’un des gendarmes tandis qu’un autre s’affairait dans la pièce, cherchant les menottes et s’interrogeant à haute voix : ana tiabi bi ? Où sont les clés ?
Les gendarmes une fois sur place ont aussitôt reconnu le corps et le défunt fut débarrassé de ses menottes. Les éléments de la brigade en faction à Aroundou ont laissé courir le bruit qu’il s’est noyé après avoir sauté de la pirogue.

Après examen du corps à l’hôpital par le médecin, le Commandant de gendarmerie a remis un document à l’oncle de Aladji à faire signer auTribunal. Il lui a suggéré d’aller voir le Procureur et en cas de refus de signer par ce dernier, d’aller voir le Préfet. Mais le Substitut du Procureur dont le chef était absent du tribunal, n’a signé l’autorisation d’inhumer que sur insistance de l’oncle de feu Aladji Konaté, Monsieur Mamy Séméga. Ensuite le défunt fut enterré rapidement en catimini.

Mais Monsieur Séméga ne disposant d’aucune copie du document paraphé par le Substitut du Procureur, nul à Bakel ne connaît les circonstances exactes de la mort, le jour et l’heure de l’arrestation qui semble avoir eu lieu à Koughani village distant d’environ huit kilomètres de Bakel.

Cependant, en ce qui concerne la date et l’heure de la mort, on peut avancer l’hypothèse que selon toute vraisemblance, compte tenu de l’état de décomposition du corps, elle aurait pu survenir deux ou trois jours avant sa découverte à Bakel. Elle est peut-être survenue le 26 ou le 27 mars. En tout cas, selon certains villageois, l’arrestation mouvementée et bruyante, aurait eu lieu tard dans la nuit. Le médecin pourrait peut-être donner des indications précises à propos de la date, de l’heure et de l’état du corps au moment de sa découverte à Bakel.

Monsieur le Président, les populations du département de Bakel ne comprennent pas pourquoi les gendarmes n’ont pas secouru Aladji Konaté menotté et en danger de mort dans le fleuve.

Pourquoi n’ont-il pas alerté le village de Koughani qui aurait pu leur porter secours et pour peut-être le sauver de la noyade ?

Pourquoi transporter un prisonnier en pleine nuit par pirogue alors que la route est parfaitement praticable en saison sèche ?

Pourquoi le pêcheur et les témoins oculaires ont-ils subi des pressions pour garder le silence ?

Plus grave encore, un Bakélois, membre de la famille Konaté qui a décidé de demander que la lumière soit faite sur cette affaire et en a parlé sur le Net, a immédiatement reçu des menaces de mort par téléphone (le numéro d’appel est à la disposition de la justice).
Monsieur le Président, point n’est besoin de rappeler que le Sénégal se veut un pays démocratique et de droit. Dès lors, nul ne devrait être au-dessus des lois du pays. La police et la gendarmerie ont pour rôle d’arrêter les citoyens soupçonnés de délit ou de crime et de les mettre à la disposition de la justice qui est seule habilitée à les juger et à les sanctionner selon la loi si leur délit ou crime est établi.

C’est pourquoi Monsieur le Président nous exigeons qu’à propos de cette mort suspecte car survenue dans des circonstances qui restent obscures et c’est un euphémisme, qu’une enquête approfondie soit immédiatement diligentée sous votre autorité et dans la plus grande transparence afin que toute la lumière soit faite.   

Il y va du respect du droit sacré à la vie, de la justice pour une famille, une région, un pays et de votre honneur de Président d’une république réputée démocratique et respectueuse des droits de l’homme.

Veuillez, Monsieur le Président, agréer l’expression de notre haute considération.

« LE COTRAJUSFI »
Noms des associations signataires :

-« L’Association des Ressortissants de Bakel en France » (ARBF)
-« Le Conseil Communal de la Jeunesse de Bakel » (Il regroupe toutes les associations    
       des jeunes de Bakel)
-« L’Association Gajaaga » en France (qui regroupe les villages du Gajaaga)
-« L’Association des Elèves et Etudiants Ressortissants de Bakel à Ziguinchor ».
-« L’Union des Elèves et Etudiants de Bakel à Dakar » (UDEEB)
-« L’Association des Elèves et Etudiants Soninkés (AEES) à Dakar, Thiès, et             
  Ziguinchor ».

Lettre adressée à Monsieur le Président de la République du Sénégal

Copie adressée à :
-M. le Premier Ministre du Sénégal
-M. le Ministre de la Justice du Sénégal
-M. le Ministre de l’Intérieur du Sénégal
-M. le Ministre de la  Défense et des Forces Armées du Sénégal.
                                    « LE COTRAJUSFI »