Abandon de l’excision et des violences faites à la fille : 601 villages du Fouladou s’engagent

 Imprimer 

Les groupes ethniques mandingues, peulhs et soninkés du Fouladou, jusqu’à un passé récent, restés réfractaires à toute ouverture, ont accepté, enfin, d’abandonner des pratiques culturelles ancestrales telles que l’excision et les mariages précoces. Des femmes de ces communautés l’ont dit au cours d’une cérémonie officielle dite de déclaration d’abandon de l’excision tenue à Vélingara, au Sud du Sénégal, dimanche dernier.

«Il y a des pratiques que nos ancêtres eux-mêmes, s’ils revenaient à la vie, trouveraient caduques et dépassées.» Les communautés mandingues, peules et soninkés de Vélingara ont dû faire leur ces mots du célèbre écrivain Malien Amadou Hampaté Bâ. 601 communautés villageoises de ces groupes ethniques de ce département de la région de Kolda ont déclaré solennellement et publiquement, dimanche dernier, avoir abandonné des pratiques ancestrales telles que l’excision et les mariages forcés et précoces qu’elles trouvent, désormais, «anachroniques et dangereuses». C’était en présence des autorités administratives de la région et du directeur de cabinet du ministre de la Famille, de la Solidarité nationale, de l’Entreprenariat féminin et de la Micro-finance.

Devant plusieurs milliers de personnes venues de toutes les régions du pays et de pays limitrophes comme la Gambie, la Guinée-Bissau, la Guinée et la Mauritanie, Boubacar Traoré nourrit l’espoir, après plusieurs orateurs, que la mobilisation du jour, des femmes surtout, est une manifestation de leur engagement à abandonner, et définitivement, l’excision et les mariages forcées et précoces.

Il a toutefois tenu à préciser que la croisade contre l’excision ne doit pas être perçue comme une «guerre contre nos traditions, mais comme une volonté de l’Etat de protéger la jeune fille et de défendre ses droits». C’est parce que l’Ong Tostan a inculqué la notion de démocratie, des droits humains, de santé de la reproduction et d’hygiène aux participants de leurs écoles d’alphabétisation que ces communautés en sont venues à décider, d’elles-mêmes, de se protéger contre les abus de toutes sortes que subissent les femmes.

L’adolescente Khady Faty de la commune de Vélingara, en lisant la déclaration d’abandon, a dit : «Nous, représentants de 601 villages pulaar, soninkés et mandingues, ethnies majoritaires dans ce département, prenons l’engagement, en toute connaissance de cause, d’abandonner l’excision, le mariage précoce et forcé des filles au sein de nos communautés. Notre décision historique s’inscrit dans le cadre des initiatives communautaires nées d’un programme de base de Tostan en partenariat avec l’Unicef et le gouvernement du Sénégal.»

64 % DES FILLES ET 93 % DES FEMMES DE LA REGION DE KOLDA EXCISEES
La voix fluette, le visage apparemment innocent  cette jeune adolescente a dû témoigner des atrocités de la mutilation génitale. Car, de l’avis du directeur de cabinet de Mme Awa Ndiaye, «64 % des filles et 93 %des femmes de la région de Kolda sont excisées».

A en croire la porte-parole des femmes, «plus jamais une fille du Fouladou ne sera excisée. Par ignorance, nous l’avions toujours fait. Maintenant que nous sommes sensibilisées, c’en est fini pour cette pratique dans ce département», a rassuré Mme Diénaba Touré. Donc, finies les stigmatisations faites à l’encontre des filles non excisées, finie la sublimation des vertus de l’excision. Car, dans cette partie sud du pays, une fille qui n’est pas passée au couteau tranchant de l’excision est considérée comme impure et inapte au mariage.

Le mérite de cette déclaration est d’y avoir associé l’ethnie Soninké. D’avoir installé le débat au sein de cette communauté très conservatrice. D’avoir osé donner la parole à la femme soninké, très souvent à l’écoute des hommes même pour des affaires qui les concernent exclusivement. En effet, ce n’est qu’en octobre 2007 que l’Ong américaine a réussi à pénétrer les villages soninkés très réfractaires à l’ouverture.

La zone habitée par cette ethnie constituait, jusqu’à cette date, avec le village religieux de Médina Gounass, les dernières zones du département, qui résistent encore à abandonner le couteau de la mutilation génitale. D’ailleurs, en prélude à cette déclaration, un panel a été organisé dans le village soninké de Mary Mari Cissé. Au cours de ce panel, les femmes ont témoigné des dommages causés à la femme par cette pratique, sur les plans santé de la reproduction et psychologique : décès à l’accouchement, fustule vésico-vaginale, césarienne, stérilité, avortement etc.

L’autre mérite de l’Ong c’est d’avoir impliqué les pays limitrophes du Sénégal dans cette croisade contre cette pratique néfaste. «Tostan a étendu ses tentacules en Gambie, en Mauritanie, en République de Guinée et en Guinée-Bissau. C’est pour créer une synergie d’actions entre ces différentes Nations qui pratiquent toutes l’excision et les mariages forcées et précoces. Il ne sert à rien d’interdire la pratique au Sénégal, si nos compatriotes ont la possibilité de franchir la frontière pour faire passer leurs filles au couteau», a renseigné Kalidou Sy, coordonnateur national de cette Ong.

La porte-parole de ces pays à Vélingara, la Gambienne Néné Dabo, ce dimanche, a exhorté l’Ong américaine à s’installer dans ces pays afin qu’à l’instar du Sénégal, l’abandon de l’excision et des pratiques néfastes à la fille soit une affaire de l’Etat et des communautés.


Par Abdoulaye KAMARA

Correspondant

Source : lequotidien