Traditions: Bida, serpent légendaire du Ouagadou

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A propos du film Sia :

Sia c’est le titre d’un film déjà populaire au Mali et en Afrique de l’Ouest. Cette œuvre cinématographique est une réalisation du Burkinabé Sotigui KOUYATE (dont les origines se trouvent à Niamadila Kita). Je sais que le moi est haïssable, mais pour moi, le spectacle est de très mauvais goût. Car tous ceux qui connaissent tant soit peu l’histoire du Ouagadou et de notre pays doivent avoir été surpris et surtout déçus par la manière dont les faits ont été interprétés.

Dans le film de Sotigui, la jeune fille destinée au sacrifice était violée par les grands prêtres du serpent. Bien qu’il s’agisse d’une légende, cette version est difficilement acceptable pour plusieurs raisons. Dès notre jeune âge, l’occasion nous a été donnée d’écouter les récits, mythes et légendes de la patrie des Kakolo et du pays soninké. Nulle part, nous n’avons entendu une histoire de viol autour de la légende de Bida. Ensuite tout le monde le sait, l’animisme, notre religion ancestrale commune n’admettait pas certains comportements de la part de ses adeptes. Le prêtre fétichiste se devait d’être vertueux, sinon ses idoles se retournaient contre lui. L’animiste était surtout reconnu par sa droiture et sa loyauté.

Si notre ancienne religion imposait souvent des sacrifices humains, elle rejetait par contre le mensonge, la duplicité, l’égoïsme sordide (niengoya dialan) et aussi les basses actions comme le viol. Mais pourquoi donc, avant d’arroser ses fétiches, le grand maître n’approchait il pas ses femmes ? Et si c’était le cas, il procédait à une véritable opération de purification ? Ce n’était pas un hasard si le culte de Bida exigeait le sacrifice d’une jeune fille vierge. Il ne fallait pas offrir au Dieu serpent quelque chose d’impur (une fille ayant connu l’homme). Aussi allons nous nous arrêter là. Mais disons-le net. L’islam nous impose maintenant les mêmes principes que ceux qui constituaient des obligations pour l’animiste. Et si nous, musulmans d’aujourd’hui, nous nous comportions aussi bien que nos aïeux idolâtres d’hier, l’islam se serait plus consolidé.

Mais que signifie Bida ?


Ce mot veut dire boa dans la langue des Sarakholé. Le mythe du serpent a existé chez plusieurs peuples de la savane, dans le passé. En milieu bamanan, ce python se nommait Saba minignamba. Pour les Maninka, c’ était Dougoulamini sadian, grand serpent enlaçant l’univers. Les Foula, de leur côté rendaient le culte à un autre appelé Thianaba.

Comment la légende présente –t-elle Bida ?


C’était le génie protecteur du peuple soninké. Il était à la base de la prospérité, de l’extrême richesse du Ghana. En retour, Bida réclamait un sacrifice humain tous les ans, disent certains. Pour d’autres, il exigeait cela tous les sept ans sept mois, sept jours. Le choix se portait toujours sur une jeune fille vierge, d’une rare beauté, si possible, la plus belle de l’empire. Exceptées les familles impériales des Wagué (Touré, Fiané, Khouma, Cissé, Bérété), tous les autres clans étaient soumis à cette dure épreuve. Mais pourquoi les enfants de Mama Dinga étaient-ils épargnés ? Simplement parce que Bida, selon la légende n’était pas un serpent ordinaire. Il était le yila ou yilé (en soninké), le môgôma yèlèma (en bamanankan) donc l’avatar d’un frère de Maghan Diabé CISSE (métamorphosé en boa).

Bida était donc un fils du patriarche soninké Dinga. Pour mieux faire comprendre, faisons remarquer que certains grands chasseurs, soma, hommes riches ont souvent des rejetons anormaux, des monstres moitié- homme, moitié serpent. Ces créatures, dit-on sont la source de leur puissance, leur richesse ou prestige. Bida était tout cela. Il assurait à la fois la prospérité, la sécurité, la longévité et tout l’avenir du Ghana, d’après la légende. Bida était un frère de Diabé CISSE, avons-nous souligné plus haut. Son vrai nom était Tokha CISSE. Il était le Dieu de la fécondité. Grâce aux sacrifices, il faisait tomber le bonheur. De grosses pluies génératrices de riches cultures, donc d’abondance, s’abattaient sur l’empire. L’or tombait en plus, selon la légende avec les eaux de pluies, arrosant toutes les régions du pays.

Le contrat entre Diabé CISSE et son frère Bida.

Nous savons que la migration conduite par Dinga s’arrêta au Diafounou (Yélimane) et qu’il n’arrivera pas au Ouagadou. Il mourut près de la mare de Diokha. A sa mort, son benjamin Diabé CISSE fut élu chef au détriment de son aîné Térékhiné Sokhona. Celui-ci abandonna la troupe et alla s’installer ailleurs. Quand il arriva au Ouagadou, Maghan DIABE était suivi de quarante quatre clans, des autres enfants de Dinga. Il avait avec lui trois cents clans d’esclaves. Les hyènes (Diaba et Diatourou) et Kardigué, animaux sacrés de Mama DINGA les conduisirent au puits où vivait Bida. Ils exigèrent en retour aux migrants un sacrifice de poulains.

Les voyageurs s’installèrent au refuge du python. Un contrat passa entre eux et le serpent- génie. Ce dernier s’engagea à protéger l’empire en lui assurant une prospérité éternelle. Diabé et ses compagnons consentirent à l’adorer en lui faisant des sacrifices humains. C’est pour cela que les empereurs du Ouagadou étaient connus sous le nom de Kangué Maghan (roi de l’or). Les femmes, les hommes et même les chevaux de l’écurie royale du Tounka Kanissa se paraient d’or. Au Ouagadou, il y avait une bien curieuse coutume. Elle consistait pour les hommes à se tresser les cheveux. Ils enlevaient par contre la barbe. Quant aux femmes, elles se rasaient complètement la tête. Le frère de Diabé Térékhiné sokhona « portait des anneaux aux chevilles, des bagues, des bracelets, des boucles d’oreilles ».

Le choix porté sur Sia.


Quand cette année là, le choix se porta sur la belle Sia YATTABARE ce fut la consternation. Cette fille était aimée de tous. Le jeune homme à qui elle était promise l’adorait plus que tout. Deux fois déjà, ses précédentes fiancées avaient été choisies pour être immolées. Deux fois, il avait accepté la décision des anciens. Devait- il être le seul à payer un si lourd tribut ? Garçon taciturne, Mamoudou séfédoukhôté (le taciturne) était aussi très brave et n’avait peur de rien (Siriyankhôté). Quand il apprit le verdict des sages il garda comme d’habitude son calme et prit une ferme décision. Sans l’ébruiter, il se décida à l’appliquer. Son père et le forgeron de son clan l’approuvèrent.

L’artisan se mit aussitôt au travail et fabriqua pour « Séfédoukhôté » un sabre et une lance. Le jeune homme fut lavé dans l’eau de plusieurs canaris. C’était pour le préserver des maléfices du monstre. Déjà partout dans l’empire, chacun s’apprêtait pour le jour du grand rassemblement. Une chanson passait en sourdine d’une bouche à l’autre. C’était l’hymne dédié à la grandeur du Ouagadou. « kouraba gnani, kouraba gnani, kouraba. Ouagadou di kota gnani kouraba » (Aujourd’hui, c’est un jour exceptionnel. C’est le jour du Ouagadou. Car chacun a son jour. Celui-ci est consacré au destin du Ouagadou » (à suivre)

Kagoro Doumbé, source: maliweb.net

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Commentaires (2)

  • Wakkané

    Moussa Diagana de la Mauritanie a écrit \\\"la légende du Wagadu\\\". Une plume abosolument incroyable.
    Dans ce récit qui se voulait une actualisation de la légende, il voulait démontrer que le pouvoir s\\\'entoure toujours de mystère. En y évoquant la possibilité que les filles étaient violées par les prêtres, il voulait surtout dire que les gouvernants trompent toujours le peuple. Je suis convaincu que son objectif, en tant que sociologue, n\\\'était pas d\\\'insinuer que les prêtres, du temps du Wagadu, violaient les jeunes filles destinées au sacrifice. Je ne serai cependant pas surpris qu\\\'à partir de cet écrit, des sinéastes se soient donnés une certaine liberté sans mettre son oeuvre dans son contexte.

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