Armées et armes dans les empires du Soudan occidental

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Dans les empires du Wagadu Ghana (IIIème siècle - XIIIème siècle), du Mali (XIIIème - XIVème siècle), du Songhoy (XIVème - XVIème siècle), l’armée a occupé une place prépondérante.

Instrument des conquêtes, elle a aussi défendu les frontières permettant ainsi aux Etats d’organiser la vie économique, politique et sociale.

Elle a souvent servi à razzier des esclaves pour le compte des classes dirigeantes, mais aussi les desseins de certains ambitieux provoquant alors le chaos et la désolation.

Armée et armes dans l’empire du Wagadu

A- Les origines de l’armée du Wagadu

Les origines de l’armée du Wagadu, comme celles de l’Etat, sont lointaines. On sait que cet empire est né à partir des riches restes du néolithique de la région des Dhars Tichitt Walata, Néma.

Dans cette zone, Munson Patrick a mis en évidence l’existence de conflits entre sédentaires et nomades au néolithique terminal. Ce chercheur a découvert de véritables structures fortifiées en forme de fer à cheval, des redoutes d’archers [1].

On peut donc déduire que les ancêtres des fondateurs de l’empire du Wagadu connaissaient les techniques de la guerre et ont fait la guerre. Les villages fortifiés les redoutes d’archers prouvent bien que les hommes de cette époque savaient s’organiser pour se défendre. Mais, nous ne savons pas qui était chargé de la défense. Toute la population ou des personnes choisies par la communauté ?

Plus tard, après la fondation du Wagadu Ghana vers 1150, l’information est plus claire. L’auteur arabe Al Zuhri note : « les peuples du Ghana mènent des expéditions contre des voisins qui ne connaissent pas le fer et qui combattaient avec des bars d’ébène.

Les Ghanéens peuvent les défaire car ils combattent avec des épées et des lances ». Le Wagadu bien avant 1150 menait donc des guerres de conquête avec des armes en fer. Ce qui suppose l’existence d’une armée bien organisée.

Les proto-soninko furent peut être parmi les premiers habitants du Soudan Occidental à maîtriser la technologie du fer. Ce fer était travaillé dans tout le pays soninké mais surtout au Méma véritable province métallurgique au Sud du seuil du Wagadu [2].

Munis d’armes en fer, épées, lances [3] montés sur des chevaux qu’ils avaient appris à élever grâce à leurs voisins Bafour [4] les Soninko vont conquérir un empire.


B- L’armée et l’armement au Wagadu

Les informations sur l’armée et l’armement sont très maigres, elles viennent surtout de la tradition orale de quelques textes arabes et européens.

La tradition orale retient presque exclusivement le rôle joué par la cavalerie dans l’empire du Wagadu. Cela se comprend aisément dans la mesure où l’histoire du Wagadu racontée par les Geseru [5] est d’abord celle des nobles wago des chevaliers. L’épopée soninké note qu’en allant à Kumbi la future capitale du Wagadu Jabé Sisé le fondateur de l’empire était accompagné de quatre Ceda (témoins) qui avaient chacun 9.999 cavaliers montés sur des chevaux bais, équidés de guerre par excellence.

Toute l’histoire du Wagadu tourne autour du cheval, Jabé devait sacrifier à l’hyène au charognard une pouliche pour qu’ils accompagnent les Soninko à Kumbi  [6]. 

C- L’armée de Kayamagan


Le Kayamaga était le chef suprême des armées détenteur du tambour royal sacré, les chefs des quatre premières provinces dirigeaient chacun un corps d’armées constitué surtout de cavaliers.

La cavalerie Soninké : elle était le fer de lance de l’armée, les chevaux venaient comme encore aujourd’hui du Sahel Occidental, du Hodh du pays de Banamba, c’est là que Samori au 19ème siècle puis les Français se ravitaillaient en chevaux. Ces chevaux sont des métis de barbe et dongolaw ils sont petits et puissants [7]. Ce sont les nobles qui constituaient la cavalerie. Le Kayamaga avait à lui seul au moins 1000 chevaux bien entretenus. Dans la cavalerie, il y avait les Kagoro maîtres du cheval.

Les cavaliers étaient armés d’une épée, d’une courte lance et portaient peut être une cotte de mailles [8].

Les fantassins : ils étaient nombreux, c’était des nobles mais aussi des esclaves attirés par l’appât du gain, ils provenaient de toutes les provinces de l’empire qui en cas de guerre mettaient des troupes à la disposition de Kayamaga. El Bekri (XIème siècle) note que les Kayamaga pouvaient mettre en ligne 200.000 guerriers dont 40.000 armés d’arcs et de flèches.

Les Soninko sont connus depuis leurs ancêtres, les Gangari (singulier Gangara) comme étant de grands maîtres des flèches et des arcs. Les archers Soninko avec leurs flèches empoisonnées ont semé la terreur chez leurs voisins nomades. Les fantassins avaient aussi des lances, des javelots, des épées et portaient des boucliers. Cette armée organisait des guerres de conquêtes mais aussi des rezzou pour s’emparer d’esclaves notamment dans le Sud au Mandé.

Elle résista aux Almoravides pendant plusieurs années. Ces derniers prirent Awdaghost en 1054 mais ne purent s’emparer de Kumbi qu’en 1076. Les voilés du désert moins nombreux plus mobiles évitaient sans aucun doute les grands affrontements et attaquaient par petits groupes qui portaient de grands coups.

On sait que, plus tard, les fantassins du Tekrur qui utilisaient les mêmes techniques que ceux du Wagadu s’illustrèrent auprès de Yousof Ben Tachfin à la bataille de Zallaka en 1086 [9]. Les Sosso pendant longtemps grâce à la stratégie Soninké a réussi à dominer le Mandé.

DIALLO Boubacar Séga et YATTARA Elmouloud
(Faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines (FLASH), DER Histoire- Archéologie, université de Bamako,)

Publication : Histoire de l'Afrique de l'Ouest (Mali)
  

NOTES :

[2] Jean Devisse, Diallo Boubacar Séga : le seuil du Wagadu catalogue des vallées du Niger le Seuil 1993, pp.103- 115. Au Méma l’exploitation du minerai et la fonte ont favorisé la destruction de l’environnement. Le Méma porte encore aujourd’hui les traces de l’exploitation du fer.

[3] Lances,épées étaient fabriquéés par les forgerons qui constituaient une classe importante qui va s’emparer de la capitale de l’empire du Wagadu à son apogée. Pour mieux les canaliser, les Kayamaga se faisaient appeler Tagodunkana c’est-à-dire les maîtres de la forge.

[4] Les Bafour seraient les descendants des Bavars venus dans l’Adrar au 5ème siècle avant JC. Ils ont introduit alors dans cette région le palmier dattier mais aussi les chevaux qu’ils savaient bien dresser. In Diallo Boubacar Séga : Les origines de l’empire de Ghana, à paraître, p.120.

[5] Singulier Geseré : ce sont les maîtres de la parole de Wagadu. Ils sont attachés au Wago, vivent avec eux partagent leurs peines et leurs joies.

[6] Diallo Boubacar Séga : L’épopée Soninké scénario 1997, p.26.

[7] Diallo Boubacar Séga : Le cheval est un bel ami de l’homme, 2001, pp. 2- 3

[8] A Kumbi Saleh l’Institut Mauritanien des Sciences a trouvé des restes de cottes de mailles.

[9] Diallo Boubacar Séga : Le mouvement Almoravide et l’arrière plan Soudano-nigérien , actes du colloque international sur le mouvement Almoravide Nouakchott, 14 ; 15 ; 16 ; 17 Avril 1996, Masadir, p.129.