La Saison des pluies chez les Soninke : Le Tangaande (2ème partie).

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Les champs sont labourés. Les tiges de mil ont grandi et laissent entrevoir des épis. Hommes et femmes marquent une pause.

On s'accorde un moment de répis. On oublie les champs. Les garçons commencent à rejouer au Foot. Les adultes envahissent les " Koras " du village. Ils discutent de tout et de rien. Dés fois, ils jouent aux cartes (Mariasse) ou au damier. Les femmes quant à elles s'adonnent aux travaux ménagers qu'elles n'ont pas eu le temps de faire pendant la période de labourage de leurs champs d'arachides.

De temps en temps, les plus agés des jeunes vont contrôler les récoltes. Les plus jeunes, quant à eux, vont couper de l'herbe pour les animaux domestiques de la maison. Pendant ce moment de répis, le village est calme. Cette période d'accalmie dure quelques semaines voire 1 mois entier. Toutefois, certains cultivateurs ne s'accordent guère ce moment de répis. Pendant que tout le monde se repose au village, ils gardent toujours un oeil sur les champs. Ils s'affairent souvent à clôturer leurs champs avec des branches d'arbres épineux ou du barbelet pour barrer la route aux animaux. Généralement, tout ne se passe pas comme ils le souhaitent. Les bergers peuls, infatigables provocateurs viennent souvent jouer les troubles fêtes. Ils le font souvent par inattention ou par vengeance de coups de Dabas réçus lors de la dernière saison.

Dés que la brousse se désemplit, ils prennent d'assaut les alentours des champs pour faire paître leurs animaux. Les cultivateurs, conscients de ce danger érigent alors des barrières. Ils avertissent les bergers dont les bêtes rodent autour de leurs récoltes. Il s'en suit très souvent des bagarres. Ces embrouilles peuvent atteindre des proportions étonnantes. Les cultivateurs saississent dés fois leur bétail et les bergers ripostent par des coups de hache ou de bâton ( Sawrou en peul ). Les histoires les plus tragiques finissent parfois au tribunal. Ce sont les rubriques « faits divers » de la saison des pluies aux villages.

Au même moment, d'autres animaux nuisibles entrent dans la danse. Ils ont pour nom : oiseaux, phacochères, singes, criquets... Ils sont aussi dangereux que les troupeaux de vaches, chèvres et moutons. C'est la fin de l'accalmie villageoise. Les cultivateurs doivent trouver la solution à cette menace. C'est l'heure du Tangaande.

Le Tangaande est la période pendant laquelle les jeunes passent la journée aux champs pour protéger les récoltes contre les oiseaux et autres animaux sauvages. Il dure 2 à 3 mois selon les régions. Cette tâche est confiée aux jeunes. On peut dire que c'est le moment le plus aimé par les jeunes.

On se regroupe par affinité, par proximité de champs afin de former un même Daaxa. Le Daaxa est le lieu privilégié choisi à l'unanimité où l'on se regroupe pour manger, jouer et discuter. Généralement, les jeunes se cotisent entre eux pour faire les courses. On fixe un montant et tous les membres du groupe s’acquittent de cette somme afin de pouvoir transformer ces séjours champêtres en festins. Ils achètent du riz, de l’huile, du Jumbo et des pattes ( Macoroni )…

Le respect durant le Tangaande se gagne par la qualité des ressources alimentaires de son Daaxa.

Les plus grands se lèvent à l'aube et investissent la brousse pendant que les plus jeunes attendent la levée du soleil pour apporter le Bawouya et autres nourritures. Le premier jour du Tangaande est spécial. C'est une sorte de prise de contacts avec les lieux. Les plus grands découpent les differentes parties du champ cultivé par secteur. On forme alors des groupes de 2 ou 3 personnes pour gérer ces secteurs. Chaque secteur du champ est attribué à un groupe. Ce groupe doit veiller à la bonne tenue de ce secteur en le protégeant du matin au soir. Après l'attribution des secteurs, les plus grands dotent les membres de chaque groupe d'armes redoutables. On dénombre plusieurs armes efficaces contre les oiseaux ou autres animaux sauvages.

Les armes les plus connues sont : le Dampulanie, le Kossolokossolo, Tassanxole...

Le Dampulanie : C'est une corde longue de 5 à 7 mètres faite à base d'écorches d'hibuscus qui détonne quand on le frappe contre soi. Il emet un grand bruit qui fait courir n'importe quel oiseau. Il se manie avec intelligence et constitue une arme efficace pour les Taangandano.

Le Kossolokossolo : C'est un long fil de fer d'une centaine mètres à laquelle on accroche des petits pots de lait. On le met aux alentours du champ. Il fait fuir les oiseaux, les singes, et surtout les phacochères.

Le Tassanxole : Comme son nom l'indique, c'est un vieux bol sur lequel on tape avec un gros bâton afin de faire fuir les oiseaux.

A coté de ces armes redoutables, il y a l'arme naturelle: le cri. Ces jeunes gens disposent aussi de leurs cris pour faire fuir leurs ennemis de la saison. Beaucoup de Tangaandano chantent aussi à longueur de journée afin de notifier leur présence aux oiseaux. L'une des chansons la plus connue est : A ya demba! A ya demba...

Le Xataande (Tangaande) commence dés le matin de bonheur. Vers 10h, dés que les oiseaux migrent vers les marigots, on tape sur le grand bol du Daaxa pour convoquer tous les membres au Daaxa. C'est l'heure du Bawouya. On se regroupe pour manger le Deere ( Sauce de feuille d'haricots avec du couscouss ) ou le Bassi ( Sauce de graines d'haricots ). Généralement, certains amènent du Sombi ou du café mais les vieux privilégient le Bawouya. Selon eux, il remplit mieux le ventre que le Sombi. Dés que l'on finit de manger, le plus jeune du groupe fait du Warga ou Ataya ( Thé ).

On a mangé, on a bu du thé... C'est l'heure d'aller chercher de la viande ou du poisson pour le repas du midi. Les plus grands, accompagnés de chiens vont à la chasse. Les amoureux de la pêche, munis de canes à pêche cherchent les bons coins du marigot pour pêcher. Les plus jeunes vont chercher de l'herbe qu'ils vont vendre au marché afin de faire quelques courses quotidiennes ( Thé, Pain, Jumbo...). Ainsi on se repartit les tâches durant le Tangaande.

Les chasseurs amènent souvent des écureuils (Gouwane), du varan (Xaana), du phacochère ( Faari nguije ) ou du chacal ( Boyinajo )... Ils ne rentrent jamais bredouilles. Dés fois, ils s'en prennent au bétail dés berges pour assurer le repas du jour. Leur technique la plus répandue est de percer la langue de la bête par une épine.
Combien de chèvres ou moutons ont perdu la vie à cause de cette redoutable technique ? C'est la réponse du cultivateur au berger... Oeil pour oeil ! Dent pour dent !

Quant aux pêcheurs, ils apportent des silures ( Talaaxe ), des capitaines ( Furas )  et des Boonas. La cuisine se fait à tour de rôle. Généralement par respect, cette tâche est confiée aux plus jeunes. Les plats les plus cuisinés sont : Le Riz à la viande ( Maaro do thiye ), le Yassa , le Maafe ou les grillades. Vers 14h, on se réunit au Daaxa pour déguster les succulents plats concoctés du jour.

Pendant le Tangaande, on me meurt pas de faim. Rares sont les Tangaandano qui mangent le soir à la maison. Dés que l'on finit de manger et de boire du thé, chacun fait un tour dans son secteur pour s'assurer que les oiseaux n'y font pas de festins. Les plus grands profitent de ces moments pour faire une sieste.

Ventre plein ! Négro content... Une fois que l'on a réglé cette étape de la pyramide de Maslow, place maintenant au jeu. Pendant que certains jouent au damier, d'autres se préparent pour aller taper au ballon. Durant le Tangaande, on aménage toujours un coin des champs en terrain de foot. Le soir avant la dernière ronde des secteurs, on se reunit pour jouer au Foot. On organise même des fois des tournois de Foot. Durant mes années de Tangaande, j'ai vu des Pélé, Romario et des Mila de la brousse... De vrais stars du ballon rond mais sans crampons. Ce sont de moments de pur bonheur ces matchs de Foot.

Mais il y a un risque énorme. Les vieux choisissent aussi ce créneau pour faire des visites inopinés aux jeunes Tangaandano. Gare aux jeunes gens qui ne seront pas aux postes. Ils seront punis dés leur retour à la maison. Généralement, durant ces matchs de Foot, les petits montent la garde dans les differents secteurs. C'est une ruse pour déjouer les vieux tours des parents pendant que l'on joue au Foot.

Il arrive que les bergers, ennemis infatigables des cultivateurs, se mélangent aux Tangaandano pour jouer au Foot. On range alors les embrouilles dans les placards.


On repète les mêmes actions quotidiennement pendant des semaines ou des mois. C'est le Taangaande dans Soninkara.

MAKALOU dit SAMBA FODE KOITA

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Commentaires (3)

  • dab

    Sincèrement c\\\'est une très belle photo, c\\\'est pure direct au village.

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