BAKEL

 Imprimer 

BakelSituée à environ 700 km de Dakar, exactement à 14° 51' 4" de latitude Nord et 12° 29' 9 " de longitude ouest, Bakel est une petite ville de la région du Sénégal Oriental avec Tambacounda comme chef lieu de région. La Mauritanie est en face de la ville, séparée du Sénégal par le fleuve ; la frontière du Mali se trouve à 35 kms en amont du fleuve.

La ville compte environ entre 8 000 et 10 000 habitants dont la majorité parle le Soninké. Il semble que depuis les années quatre-vingt, le Ouolof soit parlé par tous les Bakélois, ce qui nous surprend un peu, nous les émigrés de la première génération.

A Bakel on parle Bambara, Peul, Maure, Khassonké, etc. Elle compte actuellement six quartiers, du sud-est au nord on a : Guidimpallé, Guiden-Xamma, N'Diayega, Bakéli-Koura, Modincané, et Yaguiné. Comme tous villages du pays soninké, Bakel est touchée par l'émigration vers la France de ses forces vives (5% à 10 % ?).

La population vivait essentiellement de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche. La ville compte de grandes familles de pêcheurs qui ont fait la réputation de Bakel en exportant du poisson frais, mais surtout du poisson séché partout dans la région. En saison sèche les pêcheurs (Somonos, Bozos et Cubalbe) de Bakel descendaient le fleuve en aval jusqu'à Dembacané pour aller chercher des eaux un peu plus profondes. Nous reviendrons dans les prochaines éditions sur le détail de leur vie professionnelle et familiale.

Bakel a toujours été une ville cosmopolite surtout avec les guerres du XIXè s. qui ont destabilisé le haut Sénégal et le haut Niger. La ville était fondée par les N'Diaye mais avant leur arrivée, la famille Wane occupait une grotte d'une des collines de la ville. Actuellement les anciens habitants de Bakel (deux générations et plus) ont pris place dans la structure de castes et de classes de la ville. On y comptait beaucoup de natifs de Saint-Louis jadis, tenanciers des comptoirs français.

Les N'Diaye règnent sur la ville mais en douceur, et même si leurs familles ont connu par le passé des rivalités, ils n'oublient jamais qu'ils descendent tous du même ancêtre commun (cf. généalogie). Le chef de village même après l'arrivée des Français n'a pas été "déboulonné," il dirige ses conseils de village avec ses esclaves et ses marabouts attitrés les Kébé Tamajigué. Il avait ses Niaxamalani (artisans). Les marabouts aussi avaient des esclaves comme d'ailleurs toutes les catégories de la société. L'esclavage est maintenant aboli et les esclaves depuis la seconde guerre mondiale ne travaillent plus pour les maîtres ; mais l'endogamie de castes persiste, empêchant les mariages entre les trois composantes essentielles de la société.

Les terres sont soumises à une tenure complexe, mais la plupart des terres agricoles appartenaient aux N'Diaye et aux marabouts qui les concédaient aux autres catégories pour faire vivre leurs familles (contre une partie de la récolte).

Bakel est actuellement reliée à Saint-Louis (550 km) par la route asphaltée (dans les années quatre -vingt ) qui longe le fleuve et celle qui nous relie à Tamba vient d'être goudronnée entre 1999 et l'an 2000 sur environ 240 km. La ville est enfin désenclavée, mais les liaisons avec les villages situés en amont et en aval sur le fleuve sont très mauvaises à cause des rivières qui se remplissent en saison des pluies ; il est urgent de construire des ponts pour désenclaver les villages.

S'agissant de l'émigration, Bakel a envoyé des Navétanes dans les zones arachidières comme toutes les régions soninkées. Les Bakélois ont expérimenté en ville la chambre villageoise avant de venir en France ; ce qui leur a permis à partir de la fin des années cinquante, de se lancer vers la France. Bien sûr, Bakel avait ses navigateurs entre les deux guerres, mais ils étaient fixés sur les ports d'embarquement comme Marseille, Rouen, Dunkerque, etc... Alors que les vagues venues après l'indépendance se sont dirigé tout d'abord vers Paris avant d'aller en Province. En France, dans les foyers, les immigrés de Bakel ont reproduit le système des hiérarchies sociales du village avec les nobles qui gardaient les caisses et les esclaves qui faisaient la cuisine... ce système a cédé la place à un système plus égalitaire. A partir de 1968 tous les Bakélois se rassembleront autour d'une association villageoise (fedde Xoore).

Actuellement, d'autres associations de la loi 1901 existent, Jikke (jeunes) ACJBF (jeunes), AFBF (association des femmes de Bakel en France), Caréba, NAB (Nouvelle Action Bakéloise dont le but est de regrouper tout le monde dans des actions communes).

Auteur : Yaya SY,  Anthropologue, Professeur d'Histoire.