Portrait : Médina Koné, la femme multidimensionnelle

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Française d’origine sénégalaise ( Diawara, Département de Bakel ), elle fut tour à tour rappeuse, responsable marketing, directrice d’une agence de communication... Avant de devenir animatrice télé. Medina Koné est une fonceuse. Loin de la déstabiliser, sa récente éviction de la chaîne multiethnique Trace TV semble, au contraire, lui avoir donné des ailes. « On tombe, on se relève, on y va, on a la gnaque ! » lance l’ex-présentatrice vedette de Trace Africa, l’émission musicale la plus regardée sur le continent africain. Malgré une audience en hausse, Medina a fait les frais d’une nouvelle politique de réduction des coûts. En six mois seulement, elle avait pourtant réussi à imposer son style. Succédant à Maïmouna, qui, depuis la création du programme en 2006, jouait la carte du coupé-décalé, elle avait misé sur la world music, recevant notamment Papa Wemba, le géant de la musique congolaise, et la chanteuse camerounaise Sally Nyolo. À tout juste 33 ans, cette journaliste d’origine sénégalaise n’a pas hésité à créer sa propre agence de communication et a mille et un projets sur le feu. « J’ai le recul, encore la jeunesse et beaucoup de force », dit-elle. Dans quelques jours, elle animera sur BDM TV (Banlieue diversité média), une chaîne des quartiers et du métissage qui émet tous les matins sur le canal 21 de la télévision numérique terrestre (TNT), Langue de V.I.P., une émission people dont elle est également la productrice.

Made in Medina, sa société spécialisée dans le consulting et la promotion d’artistes, vient en effet d’ajouter une nouvelle corde à son arc : la production de programmes télévisés. Dans ce cadre, Medina ambitionne d’« aller au-delà de la musique », par exemple « en direction des politiques ». Ce qui l’intéresse, c’est de « réfléchir sur les gens issus de l’immigration africaine ». Femme-­orchestre, elle jongle avec les métiers et surfe sur les occasions qui se présentent. Tel est sans doute le secret de sa réussite. Et du bonheur qu’elle affiche.

 

La vie ne l’a pourtant pas toujours épargnée. Medina a été élevée dans la cité des Francs-Moisins, à Saint-Denis, dans la proche banlieue parisienne, par un père employé de librairie et une mère au foyer. En 1994, elle perd l’un de ses frères après une agression dans le métro. Ce drame la bouleverse. « J’ai pété un câble », avoue-t-elle. Inscrite en Deug de droit, elle échoue à l’examen de deuxième année et décide de tout abandonner. Sa vie prend un nouveau tournant. Dans un premier temps, elle accepte tous les petits boulots qui lui tombent sous la main, à condition qu’ils soient « en rapport avec le culturel ». Tex, un ami qui vient d’introduire en France la street promo, lui demande de prendre en charge le collage d’affiches et la distribution de tracts.  De fil en aiguille et de concert en concert, Medina se constitue un carnet d’adresses. Elle rencontre Les Sages Poètes de la rue, assiste à l’émergence du rap africain et fait la connaissance de Michelle Lahana, surnommée « la Gazelle », la manageuse de Youssou N’Dour, le roi du mbalax sénégalais, et d’Alliance Ethnik, un groupe de hip-hop français qui connut son heure de gloire au milieu des années 1990.

Elle rencontre aussi Ménélik, avec qui elle enregistre le titre « Bye Bye », qui deviendra single de platine et se vendra à 700 000 exemplaires. Hélas ! l’histoire se termine mal. Sur le clip, la voix de Medina est associée au visage d’une autre. La jeune femme porte plainte, remue ciel et terre et bombarde les rédactions de fax indignés. Ce qui lui permet de s’initier aux relations publiques. Elle décide alors de mettre sa carrière de rappeuse entre parenthèses et de se consacrer à la promotion d’artistes.

Au centre d’Information et de ressources pour les musiques actuelles (Irma), elle reçoit une formation au management des métiers du disque. Double H, le label de production de Cut Killer, l’un des plus célèbres DJ français, la recrute. Dans cette minuscule struc­ture de quatre personnes, Medina devient responsable marketing et promotion. Très vite, elle travaille sur la sortie de l’album du rappeur français Fabe : « Je n’ai négligé aucun média, j’ai tapé dans toutes les niches et ça a marché », s’enthousiasme-t-elle. Dix mois plus tard, les ventes de l’album sont passées de 7 000 à 90 000 exemplaires.

En 1998, l’équipe s’étoffe, et Medina se voit imposer un supérieur plus âgé, plus expérimenté. Elle choisit de s’en aller, parce que, dit-elle, « je ne suis pas femme à accepter le droit d’aînesse ».

Elle entend alors parler d’un poste d’assistante pour la matinale de la radio musicale Europe 2 et tente sa chance, avec succès. En quelques semaines, elle passe de la préparation du café à la présentation de la météo. « Rémy Caccia, l’animateur, s’est rendu compte que je savais rapper. J’ai donc fait une météo chantée ! »

Ce même animateur lui confie bientôt un micro-trottoir humoristique qui durera jusqu’à l’arrivée de Jean-Yves Lafesse aux commandes de l’émission, en janvier 2000. Débauchée par Caccia, Medina le rejoint sur RTL2, une station concurrente, où elle restera jusqu’en 2003. « À partir de là, les choses sont devenues plus compliquées. Je pensais retourner vers la musique, mais le début de la crise du disque m’en a dissuadée. » Crise ou pas, Medina observe que les maisons de production ont recours à des prestataires. Qu’à cela ne tienne : elle fonde sa propre boîte, Made in Medina. Les débuts sont difficiles. « N’ayant pas suffisamment d’argent, j’ai dû accepter parallèlement un boulot alimentaire de commerciale chez le câblo-opérateur Noos. »

Elle traîne beaucoup à Château-d’eau et Château-rouge, deux quartiers de Paris devenus le royaume de la beauté et des saveurs africaines, afin de « prendre la température de l’underground africain ». Depuis longtemps, elle rêve de créer un magazine de bons plans en Île-de-France destiné à tous les amoureux de la culture afro… En septembre 2007, elle franchit le pas et lance Mozaïk, un mensuel gratuit qu’elle est contrainte de mettre en suspens quand la direction de Trace TV la repère et lui propose de rejoindre le petit monde de la télévision.

Une télévision qui va prochainement la renvoyer à ses origines, puisque Langue de V.I.P. sera également diffusée en Afrique : « Je viens de signer avec Africable et Vox Africa, qui émettent sur le continent. Je suis également en tractation avec la RTS [Radiodiffusion télévision sénégalaise, NDLR] et 2sTV, deux des plus importantes chaînes sénégalaises ! » se réjouit la fonceuse…

Source : Jeuneafrique