c) En 1998 les investissements étrangers directs (IED) se chiffraient pour l’ensemble du continent africain à une dizaine de milliards de dollars selon la Cnuced (Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement), ce qui correspond aux I E D de Singapour (Monde du 13 juillet 1999). Concernant les émigrés, Horst Breier estime que certaines années, les transferts de fonds des émigrés vers leurs pays d’origine sont supérieurs à la valeur totale de l’aide au développement, comme en 1989 où les envois officiels de fonds ont été estimés à 65,6 milliards de dollars, alors que l’aide au développement s’est chiffrée à 45,7 milliard de dollars. Quant aux investissements privés intérieurs des pays africains, ils sont garantis à 95% par l’épargne intérieure, ce qui laisse supposer que les grandes entreprises étrangères y compris les banques, continuent d’expatrier leurs bénéfices de l’Afrique sans souci de réinvestissement. Ce qui fait qu’au Sénégal par exemple le taux d’investissement qui était de 21% du PIB en 1976 n’était plus que de 12% en 1991. En Afrique noire, on peut, en un mot, signaler l’échec de la volonté d’intégration économique de l’après indépendance dans le domaine des unions douanières, des projets régionaux étatiques comme dans celui des institutions qui les accompagnaient (cf J P Barbier).
C’est dans ce contexte international, qu’il faut situer l’émigration africaine vers la France et l’Europe, afin de mieux mettre en exergue son caractère marginal. Néanmoins, il faut faire une place de choix aux mini-projets des migrants et les insérer dans les actions de développement au niveau des investissements intérieurs.
A noter que les pays d’accueil des migrants ont tendance à lier de façon systématique l’arrêt des flux migratoires à l’aide au développement et au retour des immigrés. Des études sérieuses ont montré qu’il n’y a pas de lien mécanique entre le succès des ces projets et le retour massif des migrants, bien au contraire, on observe un renforcement des flux migratoires avec le décollage économique ; le développement ne tarit pas l’émigration, au contraire, il le stimule dans une première phase.
Cela dit, les micro-projets provoquent des changements qui, bien que marginaux, ne peuvent être négligeables dans des régions enclavées à potentiel et à taux d’émigration élevés, longtemps restées hors d’atteinte des projets de développement nationaux. C’est le cas de la région du fleuve Sénégal, où l’on peut soutenir avec Quiminal que "l’émigration est devenue une donnée structurelle" depuis la fin des années soixante. Les projets qui y sont entrepris, bien que peu compétitifs et peu sensibles aux exigences du marché, comme les coopératives d’achats, les banques de céréales, les GIE et autres coopératives agricoles, assurent néanmoins la fourniture des villages en produits de base, tout en s’inscrivant dans une perspective d’économie artificielle qui renforce l’émigration parce que s’en nourrissant. Ces structures économiques interviennent dans la régulation des marchés intérieurs, et contribuent à la hausse de la consommation et à la baisse du coût de la vie, sans constituer une menace sérieuse pour les commerçants locaux dont les pratiques usuraires les plus criantes ont été pourtant abandonnées grâce à cette concurrence.
Le soutien aux micro-projets est laissé au bon soin des ONG et des organisations caritatives. Dans ces conditions, entre les grands projets des années soixante et soixante-dix appelés éléphants blancs, et les mini-projets qui ressemblent plutôt à des oeuvres humanitaires, peut-on envisager de forger un véritable partenariat entre Africains et Européens sans paternalisme ni projet de domination impérialiste future ? Récolter les fonds pour quels cadres de développement économiques et sociaux ? Pour quelles orientations politiques ? Pour quel type de société et quel citoyen ?
Les ONG dits du Nord, doivent répondre à ses questions vitales avant de se lancer dans la réalisation de projets sociaux de survie sensés, fixer la population sur place en Afrique, ce qui risque fort de faire d’eux les hordes méprisées et miséreuses des pouvoirs en place. Par ailleurs, en Europe le chômage est tellement endémique que trop d’ONG font de l’ombre aux associations africaines en les empêchant d’accéder directement à l’aide publique européenne, et de surcroît, elles apportent des modifications parfois injustifiées aux projets des migrants afin de les adapter aux appels d’offres des Etats ou de l’U.E. qui demeurent conjoncturels.