La pratique de la pêche (Tangiye ) dans les Xaaru (Lacs et marigots ) du pays soninké.

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Après la fin de la saison de pluies, les grands lacs et les marigots (Xaare ) du pays Soninke perdent considerablement leurs eaux. Ces cours d'eaux profonds tant redoutés par les cultivateurs qui les traversaient pour accéder à leurs champs ne sont plus que de petits points d'eau vers les mois de Fevrier - Avril. Leur débit devient très faible. Ils ne presentent plus un danger de noyade pour les enfants et les baigneurs. Ils deviennent stagnants et regorgent une très grande quantité de poissons. Les lacs et les marigots du pays Soninke sont très poissonneux. On y trouve plusieurs variétés de poissons : Le silûre (Talaxe ) , Tilapia (Fuura ), les poissons de fritures (Wandoone ). Dans la région Soninke du Gajaaga plus précisement aux environs de Bakel, on dénombre les cours d'eau suivants :Bassam, Lotiandi xoore , Lotiandi Tugune , Golmynxaare...

Le Xaare de Bassam se trouve entre le village Tuabou des Bathily et celui de Manaél des Diallo. Les deux Lotiandi se situent entre Bakel et Tuabou. Le Golmynxaare, comme son nom l'indique se trouve à quelques enclablures du village de Golmy. Dans le Gajaaga, ces cours d'eau sont surveillés quotidiennement. Personne n'a le droit d'y pêcher sans l'autorisation du chef du village dans lequel ces Xaare se trouvent. Toute pêche clandestine est répréhensible et synonyme d'une grosse amende. Généralement, tous les villageois respectent les lois regissant ces lacs et marigots. Le jour de la pêche est choisi par les chefs des villages le plus proche du Xaare.

Dés que le jour de la pêche est décidé, on communique la date à tous les villages environnants. De Gande à Aroundou, en passant par Bakel, aucun village n'est laissé en rade. Depuis belle lurette, la pêche est une activité prisée dans les villages Soninke. Les férus de la pêche s'y prennent à l'avance. Ils confectionnent leurs filets de pêche et autres outils indispensables à cette activité. Les amateurs, quant à eux, se contentent d'acheter un nombre proportionel de filets au nombre de jeunes de la famille. Chaque jeune est investi de la mission de chercher son propre Biite. Le Biite sert à garder les poissons. C'est un long fil en nylon. Des deux extrémités du Biite, les pêcheurs accrochent une aiguille qui sert à percher les nageoires du poisson et un petit bois qui servirait de blocage pour empêcher aux poissons de s'évader. Le Biite est tenu par les plus jeunes qui empilent les prises de poissons des plus grands. Cette phase de préparation est indispensable à une bonne pêche.

Le jour de la pêche, on se regroupe par famille, par voisinage ou par affinité pour emprunter la même charette. Généralement, chaque famille a sa propre charette. Dès l'aube, tout le village est sur pied. On charge le matériel et les provisions sur les charettes. La pêche est une activité essentiellement masculine. Toutes les familles y participent. Personne n'est lésée selon sa classe sociale. Riches comme pauvres, tout le monde peut prendre part à cette activité. Dés que les montures sont prêtes, on se lance dans une course effrénée jusqu'aux Xaaru. Aucune charette ne veut être la dernière du peloton. Les gens viennent de tous les villages.

Les lacs et les marigots du pays SoninkeDès l'arrivée aux lacs, chaque famille savoure son petit dejeuner. Aux environs de huit heures, on donne l'autorisation de descente à toute la foule. La chasse aux plus gros poissons a commencé. Les gens affluent vers les coins poissonneux du Xaare. Chacun est libre de ses mouvements. On plonge, on se relève, on chante sous l’œil innocent des plus jeunes. C'est un jour spécial. Les prises les plus habituelles sont celles des silûres et des Tilapias. Certaines prises peuvent péser une dizaine de Kilogrammes, voire une vingtaine. Parfois, les plus jeunes assistent à ce festival de gros poissons avec un réel plaisir. Enfant, je rêvais débout de mes futures prises de grosses silûres à la taille de mon frère qui avait cinq ans. Les cris de joie et de stupéfaction lors des grosses prises de poissons me réveillaient de mon rêve enfantin. Dans cet imense brouhaha, les voleurs profitent d'un moment d'inattention ou de grande joie pour voler quelques poissons de certains Biite. Gare au voleur qui se fait prendre. Il sera roué de coups et de propos malsains.

Vers treize heures , les sacs sont presque pleins de gros poissons. On voit alors les visages radieux se defilaient devant soi. C'est l'heure de répit. Les plus vulnérables se reposent sous les grands arbres des lacs pendant que les férus de la chasse continuent les plus belles prises. Quelques petites heures après, le service reprend. Les moins chanceux tentent de rattraper leur retard sur les autres. Les poissons, fatigués d'avoir nagé toute la matinée commencent à sortir leurs têtes de l'eau. Les jeunes gens profitent de ce piteux spectacle pour faire leurs prises également. Vers quatorze heures, tout le monde se précipite pour rejoindre son Daaxa (abri). Les inconditionnels de la pêche profitent de cette montée de la foule pour descendre leurs Doolinu ( Long fil en nylon sur lequel on accroche des bats de lignes en forme d’un point d interrogation? ).

On se lave les mains et les pieds pour enlever la boue du Xaare pendant que les plus jeunes préparent les charettes. On charge alors les sacs remplis de poissons et on se lance dans une course de charettes vers les villages. Chaque famille tente de ravir la première place à sa voisine pour montrer que son cheval est le meilleur étalon du village. Dès l'arrivée aux villages, femmes et enfants qui attendaient maris et frères exhultent de joie et se jettent sur les sacs pour voir "la moisson" du jour. On vide les sacs de silûres et de tilapias dans la grande cour de la maison. On donne aux voisins qui n'avaient pas les ressources humaines nécessaires pour participer à cette activité. On prélève les plus gros poissons qui serviront à préparer les bons plats des déjeuners du mois et le reste de la "moisson" de poissons est fumé et séché. La pêche peut durer deux jours voire trois jours. Ainsi se passe, la pêche dans les Xaare du Gajaaga. Cette pêche est saisonnière et n’a rien à voir avec la pêche fluviale des grands pêcheurs Somono des villages soninké. Elle est ponctuelle et ne concerne pas les pêcheurs de métier, même si certains d’entre eux en profitent pour améliorer leurs fins du mois.

Makalou dit Samba Fode KOITA ( Soninkara.com )

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Commentaires (2)

  • Cheikhna Mouhamed WAGUE

    Vrai blédard quoi. Tu connais tout ça. Rien ne pourra t\\\'étonner dans la vie, car quand on a vu plusieurs réalités, on en sort tellement solide.
    Par un autre blédard à Paris.

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