Filles-mères

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Le poids des responsabilités - Ces adolescentes ne sont pas toujours prêtes pour assumer les charges d'être des parents.

L'adolescence est une étape très difficile chez les jeunes, particulièrement chez les filles. Cette période engendre beaucoup de difficultés principalement les grossesses précoces et indésirables. Dans notre pays, de plus en plus de mineures tombent enceintes. Et plus de la moitié sont des adolescentes de moins de 18 ans

Mais ces jeunes ne savent pas ce qui les attend. Quand les enfants font des enfants, c’est leur univers tout entier qui est bouleversé. Les parents sont traumatisés en apprenant que leur petite fille est enceinte. Les questions pleuvent. Qui est l'auteur de la grossesse ?, Que fait-il dans la vie ? Il est de quelle famille ?

Depuis plusieurs années, les observateurs constatent au Mali une augmentation constante du nombre de grossesses des adolescentes. Cette situation engendre des problèmes dans la famille. Il faut se décider de garder l’enfant ou avorter. De nombreux jeunes papas n’acceptent pas d’assumer leurs responsabilités opposant un véritable défi aux deux familles.

L'adolescence est marquée par des changements affectifs, notamment, la modification de la vie relationnelle. Les bouleversements psychiques ont conduit Fatim jeune fille de 16 ans, issue d’une famille aisée dans une situation dramatique. Cette belle lycéenne est aujourd'hui enceinte de six mois. Elle nous a fait le récit de sa mésaventure : "Je suis tombée enceinte sans le savoir. A trois mois de grossesse, j'étais tombée malade. Ma mère m'a conduite à l’hôpital pour subir les analyses nécessaires. Ces examens ont révélé que j’étais enceinte. Le ciel s'est écroulé sur la tête de ma mère. Elle a fondu en larmes. Quand elle fut consolée, elle me demanda le nom du père de mon enfant. Je lui apprit que l'auteur de ma grossesse était un jeune du quartier issu d'une famille riche et noble. Ma maman se calma et informa mon père. Ce dernier fut en plein désarroi. Mais il s'est vite ressaisi. Il me demanda si je voulais garder l’enfant. Et il me donna deux jours pour réfléchir. Mais c'était tout réfléchi. J’ai répondu que je gardais l’enfant". La naïve Fatim nous a parlé le regard baissé.

Menace de suicide. Les parents de la petite ont accepté de décrire le traumatisme moral que la famille a vécu à l'annonce de la grossesse de Fatim. Écoutons la maman dont la détresse fut immense. "J’ai toujours considéré ma fille comme une adolescente sérieuse et appliquée. La nouvelle de sa grossesse précoce a été, pour nous, un véritable choc. Mais nous avons changé de fusil d’épaule le jour où Fatim nous a dit qu’elle ferait peut-être mieux de se donner le mort. Il nous avons rapidement pesé cette menace. En tant que parents nous avons examiné tous les problèmes qui assaillaient notre enfant. Les premiers temps, après l’annonce de la grossesse, nous avons commis de graves erreurs. Nous avions privilégié notre réputation et notre quiétude au détriment de notre fille. Nous avons corrigé le tir. Nous avons noué un dialogue suivi avec notre petite chérie. Nous lui avons expliqué toutes les difficultés qu’elle allait rencontrer. Nous lui avons fait toucher du doigt tout ce à quoi elle allait devoir renoncer. Nous avons redoublé d'attention et d'affection autour de notre enfant". Ainsi a parlé la sage et fataliste mère de Fatim.

Le cas de Mimi est aussi pathétique. Cette jeune fille âgée aujourd'hui de 18 ans a perdu très tôt sa mère. Elle fut adoptée par sa tante paternelle. Mimi avait 15 ans quand elle était tombée enceinte. Son fils David est aujourd’hui âgé de 3 ans. Il est le fruit de son premier rapport sexuel avec un homme. La tante de Mimi était une conservatrice. Quand elle apprit la grossesse de sa nièce, elle la renvoya de chez elle.

Le calvaire de Mimi commença. "Au début, je pensais naïvement que qu’un enfant était facile à gérer. J'imaginais qu'il suffisait de lui donner à manger, de le faire dormir, de changer ses couches. La réalité était très différente. J'ai vite appris qu'une mère devait toujours penser en premier lieu à son enfant. Le bébé te réveille toujours très tôt le matin. Je ne détermine pas mon temps de sommeil. J'ai donné un nouveau sens à ma vie". Tel fut le témoigne de cette adolescente. Elle a relaté son histoire les larmes aux yeux. Mais la petite Mimi a été aidée par la mère de sa copine. Elle vit toujours dans cette famille d'adoption chez qui elle vit jusqu’à présent.

Pas tous des orphelins. L’accroissement des grossesses précoces et indésirables a gonflé le nombre des enfants de rue. Cette population juvénile errante vit et travaille dans les rues et sur les places publiques. Les enfants de rue ne sont pas tous des orphelins.

Les filles issues de familles défavorisées ne s’intéressent souvent pas aux cours d’éducation sexuelle, ni aux moyens de contraception. Elles tombent enceinte pour échapper à la misère et aller vivre avec le père de leur enfant, souvent issu d’une famille plus aisée.

Tel est le cas de la fille-mère Oumou. Elle sortait avec un homme qui voulait la prendre comme épouse. Les parents de ce dernier se sont opposés au mariage parce qu'elle est d’une famille de castes. Pour régler le problème, Oumou a choisi d'avoir un enfant du jeune homme. "Quand ses parents ont appris que je suis enceinte, ils lui ont cherché un visa et il est parti en France. Mon enfant à 4 ans maintenant. Pas de nouvelle de son père", commente déçue cette jeune mère.

Le sociologue Kassim Camara explique que la société a établi des barrières qui contraignent les jeunes à respecter les règles de sociabilité pour éviter les situations compromettantes. Chez les bambaras, l’enfant né hors mariage est indexé toute sa vie. Il n’est pas consulté lors des prises de décisions familiales. Le bâtard avait même du mal à trouver une épouse dans son village. "Les familles d’aujourd’hui ne ressemblent plus du tout à celles du siècle dernier. Les couples font moins d’enfants, les mères travaillent, et le rythme de vie du foyer est totalement différent. Les séparations et les divorces sont de plus en plus nombreux. Les enfants n'ont plus de référence. L’éternel débat sur l’influence de la télévision et les nouvelles technologies de l’information sur les enfants est toujours décrier par les parents", relève le sociologue.

Source : L’Essor n˚15890 du 9 février 2007