[ Dossier ] LES TRAVERS VESTIMENTAIRES : Ces tenues si courtes, si serrées

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Elles sont nombreuses, les filles dont le port vestimentaire laisse trop suggérer les secrets du lit. Inquiets de l’ampleur du phénomène, beaucoup de personnes estiment qu’il faut agir voire interdire ces pratiques. Les concernées, elles, banalisent et parlent de mode. Qui a raison ? Le Soleil ouvre le débat. Cela se passe au Campus pédagogique de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Plus précisément au jardin de la faculté des Lettres et Sciences humaines. Assise sur une chaise en plastique, juste en face de la  cafétéria, l’étudiante Daba ne laisse personne indifférent : son string, visible, ne tient qu’à un fil. Pis, suprême provocation, son «haut» laisse deviner décolleté et dos qui se font sensuellement admirer par les étudiants qui trônent à côté. Et lorsque sa copine, Aïcha, qui vient d’arriver, lui demande de cacher son string, Daba, stoïque et imperturbable, répond : «je me suis habillée ainsi pour que les gens me regardent ». Et enchaîne : «C’est mon style et ça me va». Les minutes s’égrènent. Passent et repassent les étudiants. Aïcha reste de marbre, sirotant tranquillement son jus. Alors que de voluptueux regards s’attardent sur ce corps presque nu de l’impassible Daba, arrivent Rama et Fatim. Hanches souples, jambes dénudées et seins sans soutien-gorge pour Fatim, les arrivantes sont encore plus provocatrices que Daba. «Nous sommes habillées «sexy» mais pas «vulgaires» quand même», lance, sourire aux lèvres, Rama. Et Fatim d’ajouter : «attention ! Nous ne sommes pas venues pour étudier. Nous sommes ici pour récupérer une copine et aller à la plage ». Soit. Toujours est-il qu’avec ces corps exhibés qui laissent trop supposer les secrets du lit, pas question de se poser des questions : on assiste bel et bien à un «effeuillage» des filles au Sénégal. Faut-il s’en inquiéter ? Samané Ba, étudiant en Sciences économiques et membre de l’Association des étudiants musulmans de l’université de Dakar, est plus que choqué. Pour lui, si tel est le cas, c’est parce que «moralité et vertus semblent avoir déserté le Sénégal contemporain ». Nous assistons, impuissants, avance M. Ba, à une destruction progressive de nos valeurs culturelles et islamiques. C’est également le constat que fait Seynabou Diop qui diagnostique, elle, une vraie pathologie.

«Celle-ci a pris une dimension plus profonde, plus aiguë». A en croire cette enseignante d’histoire et de géographie, la situation est plus que préoccupante et inquiétante. Et pour cause : «ceux qui doivent éduquer ne peuvent plus le faire, les chefs religieux ne sont motivés que par l’argent et les hommes politiques ne s’intéressent plus aux valeurs». « Je me demande où va le Sénégal ?», s’interroge l’enseignante et mère de famille. Elle qui indexe le manque d’éducation des filles pour expliquer le phénomène. Et, accuse la femme, mère de famille, qui, à ses yeux, ne joue plus son rôle. L’éducation, ditelle, est avant tout une affaire de la femme. Mais Seynabou constate, pour le regretter, que la femme sénégalaise contemporaine apprend à ses enfants tout sauf les valeurs de notre pays. » C’est d’autant plus triste que les gens ne prennent même pas conscience de la gravité du phénomène ». Dans un article intitulé «Les valeurs morales à travers l’évolution socio-culturelle du Sénégal » publié dans la revue socialiste de culture négro-africaine, «Ethiopiques» N° 31, (3e trimestre 1982), Abdoulaye Sokhna Diop rappelle une loi sociologique toute simple qui veut que quand la famille est malade, la société ne soit guère épargnée.

UNE TENDANCE AU RÈGNE DES ANTI-VALEURS
Le sociologue y diagnostique une société sénégalaise malade où les défauts, les vices, les antivaleurs ont systématiquement envahi tous les éléments constitutifs de la famille. Autrement dit, les dérives constatées dans le comportement vestimentaire des filles ne sont que le reflet d’un malaise plus profond qui a fini d’engloutir la première cellule de base. «L’éducation dite familiale, explique M. Diop, n’a presque plus ni sens ni valeur. Les parents, dans leur quasi-totalité, sont devenus inaptes à servir de modèle parce que se disqualifiant eux-mêmes, ou se faisant disqualifier par leur propre progéniture, en démissionnant devant leurs responsabilités. ’est l’évidence même, cette disqualification et cette démission sont les conséquences les plus éloquentes de la faillite de la moralité et des vertus morales, dans l’optique de l’éducation traditionnelle». A l’en croire, du cadre familial microscopique au cadre sociologique macroscopique, des milieux professionnels aux milieux sociaux, la réalité dominante est la tendance au règne des anti-valeurs, de l’amoralité, de l’immoralité.
Même observation chez Idrissa Dollé, étudiant en Droit. Mais sur le comportement vestimentaire, celui-ci relève toutefois qu’on peut s’habiller à l’occidentale sans montrer son corps. «Il est possible de s’habiller sexy sans être vulgaire », dit-il, en phase avec Mamadou Gomis, Dea en lettres modernes. Le problème, renchérit celui-ci, c’est que la majorité des filles ne savent quel type d’habit porter pour quel événement et pour quel lieu. «Cette ignorance fait qu’on voit souvent des filles porter des tenues de soirée en plein jour», fait remarquer Gomis. Abdoulaye Sokhna Diop est lui formel : c’est un problème d’éducation. Un jeune qui n’est pas bien éduqué, argue t-il, ne peut pas discerner le permis de l’interdit. «L’adolescent qui, par manque d’éducation, est incapable de respecter ses parents, ne peut pas du tout, dans la société, respecter autrui ou ses semblables. Ce même adolescent qui, pour les mêmes raisons, est incapable de discerner le permis de l’interdit dans le cadre familial, s’auto-disqualifie dans ses relations avec la société, quand il est question de civilité, de politesse, de courtoisie, d’honnêteté, de probité, pour tout dire de moralité », note M. Diop pour expliquer ce qu’il appelle, dans un sens beaucoup plus large, «la faillite de la morale et des vertus morales ».
« Il fait chaud, c’est à la mode ! »

Cité Aline Sitoé Diatta, (ex Claudel), en ce début de matinée. Un calme plat domine dans les principaux couloirs des pavillons. Normal ! La plupart des pensionnaires ont plié bagages. Adja est une des rares étudiantes encore visible sur les lieux. Elle doit subir les épreuves orales. De teint clair, taille fine, une petite jupe qui couvre à peine une partie de ses cuisses, et un haut blanc très léger, ellemarmonne, avec des va-et-vient, les notes qui sont sur une feuille tenue à la main droite. Sur sa manière de se vêtir, la future juriste répond sèchement : « il fait chaud et puis c’est la mode ». De plus, elle semble insensible aux regards que peuvent porter les gens sur elle. « Je suis à l’aise, car je porte ce que je sens », dit-elle. En réalité, plus qu’une affaire de mode et d’été, c’est également une occasion pour les étudiantes de se consacrer à leurs personne et image. Après neuf mois de cours et de stress. « C’est pendant les vacances qu’il fautmontrer qu’on sait bien s’habiller. C’est comme un divertissement », argue Binette, couchée sur son lit, les écouteurs aux oreilles. Sa voisine Dieynaba abonde elle aussi dans le même sens. Pour elle, les nouveaux vêtements font leur apparition en cette période. « A l’occasion des grandes vacances, il y a des nouveautés. Par exemple, pour cette année, il y a les robes, les jupettes et les bas qui sont en vogue », dit-elle en dégustant son petit déjeuner. Cette façon de s’habiller des filles en cette période est certes indécente et peut parfois heurter certaines personnes, il n’empêche, elles nemanquent pas d’arguments pour justifier leur style. « On est obligé de porter ces genres de vêtements car les boubous traditionnels ne sont pas adéquats en ce moment », estime cette étudiante qui a requis l’anonymat, à l’intérieur de sa chambre. Entourée de ses voisines, elle reconnaît néanmoins que certaines filles s’habillent seulement pour se faire voir. Autrement dit, attirer l’attention sur elles. « Il y a des filles qui aiment se montrer. Eté ou pas, elles s’habillent de manière indécente », poursuit-elle, la serviette autour de la poitrine.

Toutefois, certaines étudiantes ne semblent pas trop emballées par la mode de cet été. C’est le cas d’Awa. Sa valise en main, elle descend lentement les escaliers du pavillon B3. «Je déloge », nous fait elle savoir. Drapée dans sa robe fleurette multicolore, cette étudiante en Sciences physiques récuse totalement la «légèreté» affichée par ses colocataires dans leur façon de se vêtir. «Moi, je préfèrem’habiller décemment. Certes l’habit ne fait pas le moine, mais il reflète des fois la personnalité », lance-t-elle. « La vérité, c’est qu’au Sénégal, les filles imitent mal les Blancs » se désole-t-elle.

Abdoulaye Diallo et Fatou Gaye SECK (stagiaire) ( Le Soleil ).

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Commentaires (1)

  • seidy

    moi je trouve que ces filles et meme parfois certaines femmes,mariées, et qui portent des tenues courtes et moulantes sont trop provocatrices et nous laisse tout à coup penser à des choses coquines.En effet ces gens qui portent des habits occidentaux sont pour moi justes des aculturés et qui devalorisent la culture africaine. c\\\'est pas dans nos coutumes africaines de porter des tenues moulantes nous sommes habitués à voir les femmes africaines porter des boubous et des pagnes mais de nos jours rares sont les filles qui s\\\'habillent en pagnes à part quelques unes et que je felicite pour leur sagesse et leur courage. courage parce que les ces filles ont osés affronter la culture occidentale qui a envahi nos societés et s\\\'impose dans nos mentalités.