[Dossier] LE STYLISTE SONINKE MOUSSA CISSE A ACCORDE UN INTERVIEW A SONINKARA.COM

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Soninkara.com : Un grand artiste a accepté d’être interviewé par Soninkara.com. Nous lui laissons le soin de se présenter lui-même aux Soninkaranautes, de dire qui il est : son prénom et nom, et ses origines.

Moussa Cissé : Hadiya WAGUE, merci beaucoup de m’avoir invité à cette interview pour Soninkara.com. Je m’appelle Moussa Cissé. Je suis originaire de la Mauritanie, notamment du Guidimakha et de Kaédi. Je suis né et j’ai grandi en Mauritanie.

Soninkara.com : Moussa Cissé le travail que tu fais est connu aujourd'hui de beaucoup de personnes. En quoi consiste-t-il réellement ?

Moussa Cissé : Je travaille dans le Stylisme qui consiste à la réalisation de modèles de boubous Soninké : De la teinture jusqu’à la couture en passant par la coupe.

Soninkara.com : Nous avons beaucoup entendu parler de ces boubous dont la plupart sont teints et nous souhaitons savoir qui t’a donné cette expertise de la teinture ?

Moussa Cissé : Je peux dire que cette connaissance, je l’ai acquise de ma mère. Depuis que je suis né, j’ai toujours vu ma mère et grand-mère faire de la teinture et j’ai décidé d’en faire mon métier. De la Mauritanie jusqu’en Europe, je travaille dans le même domaine et j’en remercie le bon Dieu. C’est un travail qui n’est pas facile, je vais dire même que c’est très dure, car pour y réussir il ne suffit pas de 2 ou 3 jours pour avoir tout ce que tu veux. Il faut tracer ton chemin et le suivre comme il faut pour atteindre les objectifs escomptés.

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Soninkara.com : On a beaucoup entendu parlé de toi et on a vu certaines de tes prestations que cela soit à la télévision ou dans les défilés que tu organisent. Cependant quelque chose attire notre attention comment tu t’inspires de ces très jolies couleurs, motifs, dessins, coupe et modèles portés par les mannequins et qui scintillent et qui sont appréciés de tous ?

Moussa Cissé : Comme je te l’ai expliqué auparavant ses inspirations nous viennent parfois dans la rue quand on voit une femme habillée d’un modèle. Ce modèle peut nous interpeller et à partir de celui-ci en créer d’autres. C’est à partir de réflexions et d’études que nous arrivons à produire d’autres modèles.

Soninkara.com : Nous avons constaté que les boubous brillent beaucoup et nous savons que lors des défilés les projecteurs peuvent y apporter leur touche pour que cela brille plus encore. Cependant même dans les rue quand ces boubous sont portés par les femmes elle scintille toujours. D’où vient des scintillements ?

Moussa Cissé :La provenance du scintillement est très simple. Beaucoup de personnes disent que les boubous teints viennent du Mali. Ce qui est certes vrai les Maliens font beaucoup de teinture et sont très créatifs. Mais le fait que les boubous teints en Bazin brillent c’est très simple. Cela provient du repassage par des maillets en bois de 2kg. Ce repassage est nommé « BEGOSSI » effectué que par des hommes en étalant complètement les habits. Par exemple vous voyez des habits portés par des artistes qui brillent énormément. Ces habits sont travaillé de sorte que l’artiste ne pourra le porter qu’une seule journée voir deux car une fois lavé cela se déchire. Même si cela est pratiqué au Sénégal ou en Mauritanie c’est de la spécialité des Maliens qui détiennent le secret du scintillement dont tout repose sur le repassage, par des hommes, par des maillets en bois.

Soninkara.com : Te connaissant personnellement depuis très jeune, je me permets de te demander de me parler de ton parcours depuis la Mauritanie jusqu'en France, en passant par le Sénégal, le Mali et la Gambie ?

Moussa Cissé : Comme je te l’ai évoqué, j’ai débuté mon parcours avec des expositions dans les centres culturels français, espagnole et allemand. On va dire que la plupart des centres culturels occidentaux se trouvant en Mauritanie. C’est dans ce cadre que j’ai été invité à participer à une exposition en Espagne. Après l’exposition, et pour développer mes activités et apprendre beaucoup du stylisme et améliorer mon travail, j’ai décidé de m’installer à la capitale de la mode, à savoir Paris pour augmenter mes chances. C’est vrai qu’un boubou reste toujours un boubou, mais de génération en génération, les modes vestimentaires changent. C’est dans ce contexte de changement que nous stylistes, nous intervenons pour créer de nouveaux modèles afin qu'ils deviennent des tendances. Certes un boubou peut être coupé, mais la beauté réside dans l'art et la façon de le découper. Je remercie le bon Dieu de m’avoir soutenu jusqu’à présent. Par contre, depuis que j’ai commencé ce travail, je suis en perpétuel combat contre les préjugés. Comme vous le savez, réussir dans certains domaines ce n’est pas facile dans notre communauté : certains le comprennent bien mais d’autres non du tout. Ces derniers peuvent même se permettre de vous taxer à tort de vaut rien et de votre travail d'inutile. Or ils n’ont rien compris! Tout ce que nous faisons c’est de mettre en valeur ce que faisaient nos mères et grand-mères, les parfaire et les faire découvrir à d’autres peuples. Nos anciens ont toujours été des créateurs d'art sans avoir posé les pieds en Occident. C’est en cela que nous, nouvelles générations, avons pour mission d’assurer la continuité, en modernisant notre art et en le partageant avec d’autres communautés.

Soninkara.com : Vous venez de soulever des sujets très pertinents !! Selon vous, quelles sont les techniques auxquelles les nouvelles générations doivent avoir recours pour mieux sauvegarder et promouvoir l'art de la teinture qui est un patrimoine culturel soninké ?

Moussa Cissé : Si l’on est animé par la volonté de rester dans sa tradition on y reste. Chaque communauté, dans ce monde, qu’elle soit soninkée, peule ou maure a sa propre culture. Comme vous pouvez le constater, je vous ai apporté une photo d’une fille habillée en traditionnelle comme nos grands-parents portaient. Et le modèle qu'elle porte s'appelle « Yoni Massina ». Ce motif avait été créé par nos anciens. Si une femme soninkée, se mariant en France par exemple, désire de porter les habits traditionnels du même genre, elle peut s'ouvrir aux stylistes soninkés. Cela peut être moi ou une autre personne travaillant dans le même corps du métier. Vous comprendrez aisément que notre métier consiste, en plus du coté stylistique, à perpétuer et à magnifier les traditions qui font notre fierté. Nous resterons dans notre « soninkaaxu », tant que nous sommes fidèles à nos arts, nos us et coutumes, etc. Nous pouvons montrer une kyrielle de choix, une panoplie d'exemples de ce genre nous permettant de mieux sauvegarder notre patrimoine culturel. Par contre, si en tant que Soninké, tu va acheter une robe pour ton mariage, elle représente certes la tendance moderne, mais elle ne t’appartient pas. Le boubou traditionnel teint est celui qui t’appartient, celui de ta culture.

Soninkara.com : Je sais que vous voyagez beaucoup à travers l’Afrique, à ce titre, pouvez-vous nous dire si l’art de la teinture est-il toujours effectué par nos mères ou bien c'est la nouvelle génération qui se l'est approprié ?

Moussa Cissé : Cela dépend !! Pour le cas de la Mauritanie, beaucoup de jeunes font de la teinture. Ils aident les mères dans leurs activités, travaillent et subviennent à leurs propres besoins matériels. Tout cela montre que nos mères et nos soeurs mettent toutes la main à la pâte pour donner du bon goût à cet art. En tant que jeune, si on est animé par la volonté de suivre les traces de sa mère, experte dans le domaine , incha Allah, Dieu vous aidera à y réussir et à y acquérir les connaissances dont la mère est dépositaire.

Soninkara.com : Nous te remercions encore une fois de nous avoir accordé cet interview. Quels conseils donnera-tu à tout travailleur Soninké qu’il soit dans nos traditions ou autre ?

Moussa Cissé : Le conseil que je peux donner, qu’importe le travail qu’il fait dans ce monde, il faut qu’il aime ce qu’il fait d’abord et à partir de cette base tracer son avenir. Aucun travail n’est facile qu’il soit la teinture, l’agriculture, la chanson etc. Aucun métier n’est facile. Dans chaque métier tu trouveras des gens qui t’encourage dans ce que tu fais, d’autres te découragent, d’autres te félicitent et même tu trouveras d’autres qui t’insultent. Mais si tu as la volonté de réussir il faut tracer ton avenir d’autant plus que tu sais que personne n’est venu te donner de l’argent ou te donner un coup de main pour faire ce travail et ce c’est toi qui te démerde et bats pour faire ce travail. Je dirai simplement qu’importe ce que vous faites que vous soyez de la famille Soninké, peul ou maure il faut qu’on prie pour afin qu’il réussisse dans ce qu’il fait. En étant solidaire nous arriverons à mieux faire car ce que peut faire une main toute seule, deux mains le ferons mieux !!!

Soninkara.com : Nous avons constaté que les Soninké ne connaissent pas vraiment le stylisme, pourquoi cela ?

Moussa Cissé : Il est vrai que nous Soninké nous ne sommes pas très éveillés dans certains domaines car le stylisme est en quelque sorte un métier de conseil. A titre d’exemple si toi Hadiya tu décides d’organiser une fête ou une cérémonie tu peux prendre ton tissu et partir voir un tailleur à Château Rouge pour le coudre, il le fera certes, mais quand tu m’apportes ce tissu peut être le modèle que je pourrai faire avec ne sera pas celui que fera le tailleur de Château rouge par ce que mon métier de créer des modèles à partir des dessins sur les quels je travaille. Le métier de tailleur et de stylisme son différents. Moi-même je ne suis pas tailleur mais je me base sur mes dessins, mes modèles et mes tendances et quand j’arrive chez le tailleur je lui précise la coupe qu’il doit faire. Si on prend ce « Kaftan » que je porte comme exemple certes c’est un « Kaftan » mais il comporte plusieurs spécificités à l’intérieur. Ainsi est mon travail. Sinon pour toute femme au monde qui veut être belle, être une femme au foyer et être appréciée par son mari ou simplement que son habillement soit apprécié dans la rue je le conseille de chercher un styliste qui pourra le conseiller. Même si elle n’a pas de coépouse, je ne dirai pas qu’elle va l’avoir !!!

Soninkara.com : Comment faire pour te contacter ?

Moussa Cissé : Toute personne qui souhaite me contacter peut le faire par le biais de Soninkara.com qui a l’ensemble de mes coordonnées ou m’envoyer un email à l’adresse suivante :  .


Soninkara.com : Nous arrivons à la fin de l’interview, il y a eu beaucoup de questions !! Soninkara.com te remercie de lui avoir accordé cette interview. Nous te félicitons et te souhaitons beaucoup de réussite dans tes entreprises. Qu’Allah puisse l’accorder à l’ensemble de la communauté Amine !!

Moussa Cissé : Je vous remercie également pour ce que vous faites pour la promotion du « Soninkaaxu », pour permettre aux gens de se connaître. Je souhaite longue vie à Soninkara.com et beaucoup de réussite dans ce que vous faites.

 


Interview réalisé par Hadiya WAGUE pour Soninkara.com 

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Commentaires (5)

  • Fodyé Cissé

    Moussa Cissé est une des fierté vivante des Soninké. Son métier permet de valoriser un art millénaire Soninké : la teinture. Et grâce à son travail, cet art ne tombera jamais aux oubliettes. Diarama!!!

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